Que faire quand un valvulaire « chirurgical » souffre également d'une sténose coronaire significative ?

Dr Catherine Desmoulins

24 janvier 2008

Paris, France - Une session des XVIII es Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie s'est intéressée à la question des coronaropathies des valvulaires. [1] Avant de lancer la controverse sur la question du choix de la revascularisation du valvulaire coronarien, les Prs Jean Marco (Centre cardio-thoracique de Monaco) et Iradj Gandjbakhch (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) ont tenu à préciser qu'ils considéraient le cas du patient avec une valvulopathie chirurgicale qui souffre également d'une sténose coronaire significative. Si l'atteinte de la valve est modérée ou si la sténose coronaire n'est pas significative ( <50 % pour le tronc commun coronaire gauche ou <70% pour l'IVA), la question ne se pose pas.

Pr Iradj Gandjbakhch

« Chaque maladie vasculaire doit être traitée dans le respect de ses indications propres, a rappelé le Pr Gandjbakhch
. Si la valve n'est pas à opérer, c'est seulement la question de la revascularisation coronaire qui se pose. Et dans ce cas, je suis entièrement d'accord avec le Pr Marco pour proposer une dilatation qui permettra de retarder la chirurgie. De la même manière, il n'y a pas lieu de s'interroger sur la revascularisation d'une sténose coronaire de l'IVA de moins de 70%.»

 
« Je défends depuis 25 ans qu'il faut réparer les lésions valvulaires et coronaires en même temps » Pr Iradj Gandjbakhch (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris)
 

Mais que faire dans le cas du patient dont les deux atteintes vasculaires relèvent d'un traitement invasif ?

La réponse est consensuelle : il faut revasculariser au moment du remplacement valvulaire car le coronarien est un patient à très haut risque chirurgical. [2]Non seulement le traitement combiné est possible - le risque opératoire est certes, existant, mais il a nettement régressé - mais il apporte aussi une amélioration notoire. Ainsi un travail datant de 1993, publié par l'équipe de Christophe Acar (Hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris), a montré que les patients ayant bénéficié de la double intervention (valve aortique et artère coronaire) ont une espérance de vie à 7 ans identique à des valvulaires sans lésion coronaire. [3]

Pour illustrer ses propos, le Pr Gandjback a présenté une étude réalisée dans son service en 1982 (faute de données plus récentes sur le sujet) comparant le devenir de valvulaires aortiques opérés, non coronariens et coronariens, avec ou sans pontage concomitant. Avec une mortalité opératoire de 8% à l'époque, les patients pontés survivent tout de même mieux que les non pontés comparativement aux non coronariens. « Raison pour laquelle je défends depuis 25 ans qu'il faut réparer les deux en même temps, surtout en présence de sténoses proximales serrées. »

Vient alors la question du type de revascularisation : quels types de patients relèvent plutôt de l'angioplastie ?

Pr Jean Marco

Qui sont les candidats à l'angioplastie ? Difficile de répondre à la question autrement que par une approche pragmatique du fait du manque d'études randomisées de grande taille ayant comparé les deux stratégies, a rappelé en préambule le Pr Jean Marco
. « Pour chaque patient, la stratégie doit être basée sur l'évaluation précise du rapport bénéfice/risque en tenant compte de l'âge, des co-morbidités (obésité, insuffisance rénale…), des lésions valvulaires et coronaires, de l'EUROSCORE, de l'état clinique…C'est à l'issue d'une concertation avec le chirurgien, le cardiologue et l'anesthésiste que la décision de revascularisation est prise » ajoute J Marco. « Ce n'est pas un problème de faisabilité…(nous pouvons le faire), mais de résultat à long terme. »

 
« Ce n'est pas une question de technique…(nous pouvons le faire) mais de résultat à long terme » Pr Jean Marco (Centre cardio-thoracique, Monaco)
 

Même réponse du chirurgien : « il faut se demander pourquoi on fait le geste, l'objectif est que l'espérance de vie ne soit pas diminuée et que la qualité de vie soit la plus proche possible de la normale. »

Pour les patients dont les conditions opératoires sont difficiles : ventricule gauche dilaté, réinterventions, sténoses latérales, l'angioplastie est une solution alternative très intéressante, de l'avis de l'angioplasticien et du chirurgien. Le « gold standard » est la réparation de la valve et le pontage aorto-coronaire avec des greffons artériels (mammaires) mais il reste clairement une place pour l'angioplastie. « Quand un patient a déjà été opéré 3 ou 4 fois ou qu'il a une cardiomégalie, je suis très content d'apprendre qu'il peut être dilaté» avoue I Gandjbakhch. Mais ce n'est pas un traitement miracle : « Un mauvais malade de chirurgie ne devient pas un bon malade d'angioplastie » dit-il, reprenant des propos du Pr Marco.

 
« Un mauvais malade de chirurgie ne devient pas un bon malade d'angioplastie » J Marco cité par I Gandjbakhch
 

Jean Marco rappelle que la pose d'un stent soulève la question du traitement antiplaquettaire qui vient en complément des AVK et qu'il faut prolonger, du fait d'un risque accru de thrombose, avec les prothèses enrobées. Cela demande une surveillance rapprochée.

Une situation qui devient fréquente avec le vieillissement de la population

D'après le registre de la Société Française de Chirurgie thoracique cardiovasculaire, un quart (26%) des interventions valvulaires aortiques (sur 10 000 remplacements en 2006) se sont accompagnées d'un pontage coronarien et 15% des interventions sur la valve mitrale. « C'est une vraie question d'actualité dans un pays comme la France, où l'on est amené à opérer beaucoup de valves aortiques chez des sujets âgés » note le Pr Gandjbakhch.


Le cas particulier de l'infarctus

Le cas du patient avec une valvulopathie sévère qui fait un infarctus est différent. Il faut d'abord traiter l'infarctus sans se préoccuper des valves : J Marco et I Gandgjbakhch sont d'accord sur ce sujet. Les deux sont également en faveur de l'angioplastie pour sa rapidité d'exécution mais le Pr Marco émet une réserve importante sur les endoprothèses.

« Tout dépend de la sévérité de la maladie valvulaire et du type d'artère malade pour les infarctus mais il faut garder à l'esprit que la mise en place d'une endoprothèse est un geste délétère pour le ventricule gauche. Au risque de paraître ringard, je pense qu'en aigu, il faut régler le problème avec une angioplastie au ballon pour garder le maximum de réserve coronaire dont le chirurgien aura besoin au moment de l'intervention et réévaluer la situation trois semaines plus tard. Chez un patient porteur d'une valvulopathie, on ne doit pas placer un stent actif lors d'un infarctus antérieur car cette substance va venir au contact d'une zone nécrotique et cela peut avoir des conséquences délétères à long terme. »

Quand demander une visualisation des coronaires avant chirurgie valvulaire ?

En dehors des cas où le risque coronarien est connu (angor, IDM) ou fortement suspecté, le Pr Gandjbakhch recommande de demander systématiquement une visualisation des coronaires avant chirurgie valvulaire chez tout homme de plus de 40 ans et toute femme de plus de 50 ans. Ce dernier laisse le choix de la méthode au clinicien en avouant sa préférence pour la coronarographie par voie radiale.


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