Essai BARI : les pronostics de la chirurgie et de l'angioplastie étaient équivalents… en 1990

Vincent Bargoin

18 avril 2007

St-Louis, E.-U. — Les résultats à 10 ans de l'essai BARI (Bypass Angioplasty Revascularization Investigation) viennent d'être publiés dans le Journal of the American College of Cardiology[1]. Ils montrent que chez des patients revascularisés entre 1988 et 1991, l'angioplastie et le pontage sont équivalents en terme de survie et d'infarctus du myocarde (IDM). Un bénéfice de survie de la chirurgie est toutefois retrouvé parmi les patients diabétiques.

Alors que les résultats à 5 ans ne montraient aucune supériorité d'une stratégie sur l'autre [2]], les résultats à 7 ans commençaient à faire apparaître un bénéfice de la chirurgie chez les diabétiques [3]. Le suivi à 10 ans confirme donc ce bénéfice à long terme, dans cette catégorie de patients.

 
Il s'agit d'une très bonne étude, mais elle compare des techniques qui n'ont plus cours — Patrick Nataf (Hôpital Bichat, Paris)
 

L'essai BARI a été mené dans 18 centres américains et canadiens, chez 1829 patients randomisés entre l'angioplastie et la chirurgie. On note que les procédures ayant été réalisées entre 1988 et 1991, aucun patient n'a été stenté. Le suivi s'est prolongé jusqu'en 2002.

A 10 ans, les taux de survie étaient équivalents dans les deux groupes (angioplastie : 71 % ; chirurgie : 73,5 % ; p = 0,18). Les taux d'angine de poitrine étaient également équivalents. Le taux de revascularisation était en revanche supérieur parmi les patients du groupe angioplastie (76,8 vs 20,3 % ; p < 0,001).

Enfin, l'analyse par sous-groupes révèle un écart de survie chez les 353 patients diabétiques, traités par hypoglycémiant ou insuline à l'inclusion. Chez les patients diabétiques pontés, la survie à 10 ans est en effet de 57,8 %, contre 45,5 % chez les patients dilatés (p = 0,025).

BARI : survie à 10 ans chez les patients traités par angioplastie ou chirurgie







Survie à 10 ans (%)




Non diabétique (%)




Diabétique (%)




Survie sans IDM à 10 ans (%)




Non-diabétique (%)




Diabétique (%)




Pr P Nataf

La faiblesse de l'étude est évidemment l'ancienneté des techniques comparées. Comme l'indique à heartwire
le Pr Patrick Nataf
, chirurgien à l'Hôpital Bichat : « il s'agit d'une très bonne étude, mais elle compare des techniques qui n'ont plus cours. » Côté angioplastie, les stents, puis les stents actifs, ont largement modifié les choses.

Les auteurs de BARI soulignent que les stents, « s'ils ont transformé les taux de resténose et de revascularisation, n'ont en revanche pas significativement modifié le pronostic en matière de survie et d'incidence d'IDM. » Il semble malgré tout difficile d'extrapoler à l'angioplastie actuelle, des résultats concernant la dilatation isolée.

Beaucoup de progrès côté angioplastie et chirurgie

Côté chirurgie aussi, les choses ont évolué. « Alors que les pontages, dans l'étude BARI, étaient essentiellement effectués avec des veines saphènes, la tendance, aujourd'hui, est à l'utilisation de l'artère mammaire interne », indique le Pr Nataf. « La technique est un peu plus délicate ; elle nécessite un apprentissage. Mais elle évite la détérioration de 30 % des greffons à 1 an, que l'on constate avec la veine saphène. »

« En pratique, aujourd'hui, pour référer un malade vers telle ou telle technique on discute d'une revascularisation complète ou incomplète et du risque de resténose », explique le Pr Nataf. « Face à des lésions peu nombreuses, et un risque faible, l'angioplastie est habituellement préférée. En revanche, un patient à risque élevé de resténose, présentant de nombreuses lésions ou dont les artères ne sont simplement pas dilatables, sera orienté vers la chirurgie. »

 
Les résultats de BARI, sur les bénéfices respectifs des deux techniques, demandent à être interprétés à la lumière de l'étude COURAGE — Pierre Coste (CHU Bordeaux) 
 

Les auteurs de BARI reconnaissent que leurs résultats demandent à être nuancés en fonction des évolutions de la revascularisation d'une part, mais aussi des traitements médicaux.

« La chirurgie pourrait présenter un avantage chez les diabétiques », indiquent-ils. « Mais il reste à voir si les progrès des procédures percutanées et des prescriptions médicamenteuses, peuvent faire de l'angioplastie telle qu'elle est actuellement réalisée, une option raisonnable chez ces patients. » Ils concluent d'ailleurs sur la question du traitement médical, et plus exactement, de son observance. « La sous-utilisation des traitements médicaux est malheureusement fréquente chez les coronariens. Quelle que soit la stratégie de revascularisation, le pronostic des patients pourrait être amélioré par un traitement médical plus agressif ».

BARI à la lumière de COURAGE

Pr P Coste

Selon le Pr Pierre Coste (CHU de Bordeaux), cardiologue interventionnel, l'équivalence entre chirurgie et angioplastie dans l'étude BARI « constitue un résultat plutôt favorable pour la dilatation ». Il ajoute cependant que « les résultats de BARI, sur les bénéfices respectifs des deux techniques, demandent à êtres interprétés à la lumière de l'étude COURAGE », présentée dernièrement au congrès de l'American College of Cardiology. « En toute hypothèse, en effet, les gestes dans la maladie angineuse stable vont devenir de moins en moins fréquents ».

COURAGE conclut à l'absence de bénéfice d'une angioplastie ajoutée à un traitement médical agressif, doublé de conseils hygiéno-diététiques. Pour le Pr Coste, « ce résultat confirme que la base du traitement de l'angor chronique est aujourd'hui le traitement médical, qui a beaucoup évolué depuis le lancement de BARI. Si une indication de revascularisation est malgré tout posée, alors, effectivement, la chirurgie constitue la moins mauvaise stratégie pour des fonctions cardiaques très dégradées. Typiquement, un patient diabétique, d'âge avancé, avec atteinte tritronculaire, sera opéré. Mais ce choix reflète surtout l'absence de résultat à niveau de preuve élevé sur le bénéfice, chez le diabétique, de la dilatation telle qu'elle est actuellement pratiquée. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que les résultats dont on dispose sur le bénéfice de l'une ou l'autre stratégie de revascularisation chez le diabétique, proviennent d'analyses par sous-groupes. Des études prospectives spécifiques ont été lancées. Il faut en attendre les résultats pour préciser véritablement la place de l'angioplastie chez ces patients ».

Enfin, le Pr Coste considère que la question de la qualité de vie et du confort des patients mériterait davantage d'attention. « BARI ne fournit des résultats qu'en terme d'événements durs. Or, cet aspect ne résume pas la totalité du problème. Par analogie, la prothèse de hanche n'a jamais sauvé de vie, mais elle aide les patients à marcher. »


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