Hartford, Connecticut- Plusieurs analyses rétrospectives cas-contrôles prêchent pour une réduction marquée de divers types de cancers chez les patients sous statines. Notamment quatre études publiées en 2005, trois dans le Journal of Clinical Oncology (sein, poumon, et prostate) et le quatrième dans le New England Journal of Medicine (colon) qui ont mis en évidence des réductions d'incidence allant de 20 à 50 %. Diverses hypothèses pharmacologiques sont évoquées : - réduction de l'inflammation, de la néo-vascularisation et de la prolifération cellulaire, - inhibition de la synthèse des des sélénoprotéines, … toutes possiblement impliquées dans la cancérogénèse.
Mais une vaste méta-analyse des essais randomisés menés avec les statines bat en brèche cette hypothèse [1]. Ce travail se proposait de préciser la réduction du risque de cancer en terme d'incidence, de décès et d'analyser si la structure chimique des statines (lipophilie, radicaux) influait sur cette propriété. Or, pour l'ensemble de ces essais randomisés, les statines ne modifient pas le risque de cancer. Pas d'effet « collatéral » bénéfique donc mais absence parallèlement d'effet délétère en terme de cancérogénèse…ce qui, in fine, n'est déjà pas si mal.
Les auteurs ont effectué une revue systématique de la litterature (Medline, Emabse, Cinahl, Web of Science, Cnacerlit, Cochrane Systematic Revue Database ) de façon à identifier les études randomisées incluant, au niveau des critères primaires ou secondaires, les diagnostics de cancers et/ou décès par cancers. Ils ont aussi passé en revue les abstracts présentés lors des congrès de l'AHA, l'ACC, l'ASCO et l'ASH. Tous les articles possiblement intéressants étaient soumis, indépendamment, à trois relecteurs.
Seules ont été retenues les études randomisées, versus placebo ou traitement de référence, avec un suivi d'au moins un an, incluant plus de 100 patients et dans lesquelles l'incidence des cancers ou décès par cancers est évaluable. Les 3 relecteurs indépendants ont examiné les facteurs de biais notamment la randomisation, l'aveugle, et les sorties d'essais. L'analyse statistique, complexe, utilise notamment les modèles de DerSimonian et Laird et l'hétérogénéité des scores a été testée.
26 études incluant plus de 85 000 sujets
Seules 26 études incluant de 150 à 20 000 patients ont été retenues. Ce qui fait un total de plus de 85 000 sujets âgés en moyenne entre 50 et 76 ans dont 73% d'hommes.
Les statines étudiées sont : - l'atorvastatine (3 études), - la cérivastatine (1 étude), - la fluvastatine (3 études) - la lovastatine (3 études) - la pravastatine (11 études) - la simvastatine (5 études). La durée du suivi cancérologique va de 1,9 ans à 10,4 ans. On a des données cancérologiques d'incidence dans 20 études et de décès dans 22 études.
Risque relatif de cancer lié aux statines Cancer |
RR statine/pas de statine |
Nouveau diagnostic |
1,02 (0,97-1,07) |
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Dans la méta-analyse rassemblant plus de 6 600 cancers et 2 400 décès par cancer, les statines ne modifient ni l'incidence ni les décès . Cette « absence » d'effet se vérifie quel que soit le type de cancer et persiste quand on analyse séparément les statines hydrophiles, lipophiles, d'origine naturelle ou synthétique.
"Trois précédentes méta-analyses rassemblant 20 à 30 000 sujets, n'avaient pas trouvé d'impact des statines sur l'incidence des cancers, écrivent les auteurs. Cette vaste méta-analyse menée sur plus de 85 000 patients qui s'est attachée, en outre, à évaluer non seulement l'effet éventuel en terme d'incidence mais aussi de décès et sur divers types de cancers confirme ces résultats. A savoir que les statines ne réduisent ni l'incidence ni les décès par cancer, qu'il s'agisse du cancer du sein, du colon, gastro-intestinal, de la prostate, de la peau ou des voies respiratoires".
Ils ajoutent : "nous pensions que les statines hydrophiles qui passent plus difficilement les membranes biologiques que les lipophiles pourraient avoir des effets différents. Notre étude ne le montre pas. On n'observe pas non plus de différence entre les statines synthétiques et d'origine naturelle malgré leurs différences structurales marquées. Les études menées avec les hautes doses ne montrent pas non plus de différence en terme de cancérologie entre les hautes doses et les doses conventionnelles. Il semble donc que les statines ne modifient pas le risque de cancer même si l'on ne peut formellement écarter la possibilité de biais."
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Citer cet article: Statines : effet neutre sur le risque de cancer selon une vaste méta-analyse - Medscape - 19 janv 2006.
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