Paris, France -- Que retenir de l’année 2012 ? D’abord que ça bouge dans l’anticoagulation : antithrombiques et antiplaquettaires ont continué de faire parler d’eux. Impossible également de ne pas mentionner les derniers résultats du registre des infarctus FAST-MI et le buzz médiatique autour du livre Even-Debré. Revue de détail.
Les « AOD » : Anticoagulants Oraux Directs
L’AMM accordée au dabigatran (Boehringer-Ingelheim), au rivaroxaban (Bayer-Pharma) et bientôt (?) à l’apixaban (Bristol Myers Squibb, Pfizer) nous facilite la prescription des anticoagulants au cours de la fibrillation auriculaire non valvulaire. On a également gagné en rapidité d’action, sécurité.
Les craintes initiales semblent avoir été mises à l’écart au fur et à mesure que ces produits étaient plus largement connus et utilisés.
La prévention des accidents emboliques au cours de la FA n’est pas leur seule indication, une extension au traitement de la maladie thrombo-embolique veineuse est accordée pour le rivaroxaban.
Mais cette simplicité d’utilisation ne doit se transformer en banalité:
Le patient, les paramédicaux doivent comprendre qu’il s’agit d’anticoagulants à part entière !
Les prescripteurs se doivent de connaître les limites de prescription en cas d’insuffisance rénale, hépatique, l’existence d’interactions/potentialisations médicamenteuses, la posologie modulée en fonction de l’âge du patient.
Les anti-vitamines K gardent des prés carrés : les patients ayant des valves cardiaques, ceux ayant une insuffisance rénale sévère et… les fidèles, bien équilibrés qui se sentent bien, en terrain connu, depuis des mois voire des années.
Alors, êtes-vous dabi ou rivaro? ou (bientôt) apixa ? Préférez-vous deux ou une prise ?
Prasugrel et ticagrelor : deux nouveaux antiagrégants plaquettaires dans nos bacs
Nouveau certes mais l‘aspirine reste à l’heure actuelle indétrônable : une association obligée !
A peine le clopidogrel est-il dans le domaine public que l’on salue l’arrivée de deux autres inhibiteurs des récepteurs P2 Y12, une thiénopyridine : le prasugrel (Daiichi Sankio, Eli Lilly) et un plus récent : une triazolopyrimidine : le ticagrelor (Astra-Zeneca)
Ces deux très nouveaux produits figurent déjà dans les recommandations des Sociétés Savantes au niveau I A dans la prise en charge du syndrome coronariens aigu avec et sans sus décalage de ST.
On reprochait au clopidogrel sa lenteur et son action aléatoire. Les interférences médicamenteuses signalées ont été nombreuses, pas toujours réelles. Ces deux nouveaux anti-ADP plaquettaires s’avèrent plus rapidement efficaces et plus fiables que le clopidogrel.
Le prasugrel est aussi une prodrogue mais son activation est beaucoup plus rapide et moins dépendante des CYP (à l’inverse du clopidogrel) lui conférant une action rapide et prévisible.
Le ticagrelor n’est pas une prodrogue, son action antagoniste du récepteur P2Y12 est quasi immédiate. De surcroît cette inhibition est réversible ce qui n’est pas le cas avec les thiénopyridines. Il s’agit là d’un « plus » quand une revascularisation chirurgicale doit être effectuée en urgence.
En rapport avec l’inhibition ADP plus importante de ces deux nouveaux produits, les effets secondaires tels les troubles conductifs et les réactions asthmatiformes sont plus fréquents.
Le risque hémorragique de ces nouveaux antiagrégants croît également mettant à l’écart le prasugrel chez les patients de plus de 70 ans, ceux de moins de 60 kg et ceux ayant souffert d’un AVC. Cette dernière contre-indication est retenue pour le ticagrelor.
En raison de ce risque hémorragique plus important on préfèrera le clopidogrel quand on sera confronté à une association obligée à un anti-vitamine K.
FAST MI : 15 années de progrès dans la prise en charge de la phase aiguë de l’IDM
FAST MI est le recueil national d’échantillons de un mois chacun, concernant les admissions en USIC chaque 5 ans entre 1995 et 2010. Une évaluation de 15 années de la prise en charge de l’infarctus ST + (STEMI).
Inventaire des progrès, des déconvenues et des efforts nécessaires pour améliorer non seulement la prise en charge du STEMI mais aussi le travail en amont et en aval de cet accident.
Le professeur N. Danchin (HEGP), initiateur de ce registre (6700 patients), fait remarquer que la mortalité à 30 jours a diminué d’une façon importante de 14 à 4,4% en 15 ans. La reperfusion et surtout l’angioplastie primaire passant de 12 à 61% expliquent en grande partie cette amélioration.
Les patients sont plus jeunes et notamment les femmes. Celles-ci souffrent, plus fréquemment et plus précocement d’un STEMI. La proportion de femmes de moins de 60 ans admises pour IDM est multipliée par 2 entre 1995 et 2010 (respectivement 12 et 25%) Les co-morbidités sont moins importantes, vu le plus jeune âge mais les femmes souffrant d’infarctus payent un lourd tribut au tabac (prévalence : 75% en 2010 !) et à l’obésité (prévalence : 27%). Ce registre souligne ainsi l’importance de la prévention de la maladie coronaire chez les jeunes et notamment la femme : 11% débutent une affection vasculaire avant 50 ans surtout à cause du tabac !
S’il n’y a pas de hiatus entre femmes et hommes pour la prise en charge à la phase aiguë du STEMI, la mortalité est 3,5 fois plus importante chez la femme que chez l’homme (9,8% et 2,5%) Notion retrouvée dans l’observatoire CASSANDRE (JESFC janvier 2012).
Les complications hémorragiques majeures ont décliné de 1,9% à 0,9% en 2010 mais les transfusions n’ont pas diminué.
Il existe une réelle modification du profil de l’IDM en 15 ans : diminution de la gravité, conséquence d’une meilleure prise en charge initiale, modification du type des patients plus jeunes avec moins de facteur de risque et moins de co-morbidités.
Autant de progrès accomplis mais comme le faisait remarquer le Pr Meyer-Elbaz remarque lors du Congrès National des Cardiologues des Hôpitaux « les USIC créés en 1970 doivent s’adapter, l’urgence vasculaire n’est plus du tout la même. »
Il fait penser à nouveau la structure d’accueil des urgences vasculaires mais aussi l’amont et l’aval.
Livre Even-Debré : un brulot inutile et surtout malveillant
« Le Guide des médicaments utiles, inutiles, ou dangereux » par C Even et B Debré (Le Cherche Midi), fut un brulot inutile et malfaisant.
Le Pr Even s’est fait fort de tester lui-même, presque seul, à peine aidé par son collègue le Pr Debré, 4 000 médicaments pour en rejeter la moitié ! « 7 000 heures de travail »: mazette !
Interview réquisitoire contre l’industrie pharmaceutique et les médecins incompétents quand ils ne sont pas complices, dans un hebdomadaire. Affiches à l’envi, explosion des ventes du pamphlet (Pr Grimaldi Hôpital Pitié Salpêtrière) et de celles de l’hebdomadaire (Le Nouvel Observateur 13-19 septembre 2012).
Tissu de mauvaise foi
Il n’y aurait eu aucune réelle découverte depuis 1990 ! « Les avancées dues à l’industrie pharmaceutiques ont eu lieu seulement entre 1950 et 1990 » Depuis les laboratoires pharmaceutiques ne songent qu’à faire fructifier leurs bénéfices « l’industrie a tenté d’allonger la France entière en élargissant la définition des maladies ».
Balayée la médecine fondée sur les preuves qui, depuis plus de 20 ans, a permis d’établir les recommandations des Société Savantes mettant au rencard l’empirisme qui prévalait.
Oubliés en cardiologie par exemple la contribution majeure du traitement neuro-hormonal de l’insuffisance cardiaque. Passés sous silence les traitements anticoagulants, les fibrinolytiques qui ont permis une réduction importante de la mortalité de l’infarctus. Les statines ? Un « pactole » selon l’interviewé ! Alors qu’il s’agit de la seule classe à ce jour capable de réduire le cholestérol LDL.
Les antidiabétiques, anti-allergiques sont aussi soumis aux foudres du Scientifique.
Quelques-uns sont épargnés notamment la …ciclosporine, chère à l’auteur.
Les médecins spécialistes ou non sont aussi mis à l’index. Faibles d’esprit se laissant gruger par les délégués médicaux quand ils ne sont pas soudoyés par les laboratoires. Qui plus est, influencés par les patients pour prescrire le médicament inutile.
Dévaloriser à ce point l’industrie pharmaceutique, mettre le médecin au centre d’un supposé business, à coup de déclarations grandiloquentes, ne peut que détourner les patients de leur traitement, favoriser l’arrêt de celui-ci.
Les médecins de terrain, ceux qui exercent dans la vraie vie, le savent eux, que les patients sont toujours saisis du doute. Ils sont la proie des donneurs de leçons.
Mais si le patient est en proie au doute, il est aussi versatile et parfois incohérent.
Déjà oubliées les formulations de ce guide dans lequel on dénonce la pléthore des antihypertenseurs alors que 5 suffiraient ! Et donc des molécules princeps. Un quotidien le lundi 10 décembre 2012 faisait part du doute extrême des patients pour les génériques !
Un grand ménage nous est promis. La présidente de la commission des affaires sociales argue que « la réforme […] du médicament se poursuit de manière calme et sereine… » Cela a déjà commencé : avec la mention : Non Substituable!
L’effet d’annonce vous dis-je, l’effet d’annonce !
Liens
Générique ou mention « non substituable » pour l'insuffisant cardiaque ?
[heartwire> Insuffisance cardiaque> couverture du congrès CNCH> 3 décembre 2012]
Citer cet article: Inventaire 2012: place aux jeunes anticoagulants et antiagrégants ! - Medscape - 28 déc 2012.
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