Paris, France – Si les traitements de prévention secondaires ont nettement progressé, l’observance de ces traitements demeure une limite incontournable. L’adhésion au traitement (terme plus adapté à la relation patient-médecin) est un souci quotidien en pratique de ville.
L’accès au dossier informatisé, la cohérence thérapeutique médecin hospitalier/médecin traitant et la prise en compte pour un traitement de l’avis du patient, sont des solutions envisageables.
Plus d’information : accès du patient aux données médicales
Accéder aux comptes-rendus d’hospitalisation ou aux rapports de consultations via Internet, serait une façon de « jeter un coup d’œil au-dessus de l’épaule du praticien », en quelque sorte de vérifier son diagnostic. Cela peut-il avoir un effet favorable sur l’observance ?
Oui répondent deux études récentes : l’une mettait à la disposition du patient les notes prises pendant la consultation ; l’autre leur fournissait l’accès aux comptes rendus d’hospitalisation au moyen d’un site spécialement dédié.
Dans le premier travail, T. Delbanco et coll (Massachusetts, Etats-Unis) ont proposé à 14 000 patients suivis par 100 médecins généralistes, d’accéder, par l’intermédiaire d’un portail spécifique, aux notes prises pendant la consultation [1]. L’étude s’est déroulée sur une année.
Les médecins craignaient d’avoir à affronter moult questions, qui plus est en dehors des heures de consultations, ou encore de subir un afflux d’appels téléphoniques, des demandes incessantes d’informations par courriel interposé, des consultations plus longues…
Au contraire. Les patients se sont déclarés satisfaits, plus à même de comprendre leur condition médicale et plus compliants vis-à-vis des traitements.
Dans la seconde étude , menée par T.E. Palen et coll (Colorado, Etats-Unis), les patients, s’ils le désiraient, avaient un accès sécurisé en ligne, vers leur dossier médical informatisé [2]. Quelques 44 000 patients après formation au programme MyHealthManager et rompus à la consultation en ligne, ont été comparés pendant deux ans à des patients bénéficiant du même système de santé mais n’utilisant pas l’informatique.
Pendant l’étude, les patients utilisateurs du programme pour accéder à leurs données médicales sont venus plus souvent en consultation que les non utilisateurs, mais aussi plus fréquemment comparativement à leur habitude antérieure. Il en est de même pour les appels téléphoniques.
L’adhésion au traitement n’était pas l’objet de l’étude, mais l’augmentation du nombre des consultations et le recours plus importants aux services médicaux laissent à penser que l’observance est meilleure, car plus encadrée médicalement.
Pour D. Bates (Massachusetts USA), qui signe dans le Journal de l’American Medical Association un éditorial associé à l’étude de Palen, cet engouement pour l’accès informatique doit être développé et encouragé. Le suivi des traitements a beaucoup à gagner dans cette nouvelle approche informatique.
D’abord, la cohérence des prescriptions…
Les médecins quant à eux peuvent améliorer certaines de leurs pratiques pour faciliter la poursuite et l’acceptation d’un traitement.
Au cours d’une hospitalisation il n’est pas rare que le traitement habituel du patient soit modifié de façon inappropriée. C’est une « mauvaise conciliation » entre l’ordonnance présentée à l’entrée et l’ordonnance faite à la sortie.
Deux publications récentes mettent l’accent sur cette incohérence médicamenteuse [4, 5].
Entre 25 et 50% des prescriptions rédigées à la sortie de l’hôpital comporteraient des erreurs, des substitutions, des omissions. Et pour P. T. Chabra l’assistance d’un pharmacien n’y changerait rien ! [5]
Ces erreurs concernent surtout le traitement habituel du malade, traitement patiemment mis en place par le médecin traitant, et auquel le patient adhère.
On peut ainsi trouver le remplacement d’un produit par un autre de la même classe mais sans intérêt supplémentaire, des dosages modifiés certes nécessaires pendant le séjour mais qui ne sont pas mis à jour lors du départ (insuline, anticoagulants...), quand il ne s’agit pas d’oubli pur et simple.
On comprend que ce manque de « conciliation » médicamenteuse (les auteurs utilisent le sympathique terme : Medication Reconciliation) soit un facteur de rupture du traitement. Une grande vigilance est impérative au niveau du prescripteur hospitalier et du médecin traitant.
La préférence du patient n’est pas nécessairement celle du médecin !
Considérer la préférence du patient pour une option thérapeutique, et non pas penser à sa place pour sa préférence thérapeutique. C’est le credo de A. G. Mulley et coll [6].
Actuellement, pour bon nombre d’affections, plusieurs options thérapeutiques équivalentes peuvent être proposées. La meilleure se révèle être celle que choisira le patient, informé du pour et du contre.
Le thérapeute peut avoir une impression erronée concernant le souhait du patient. Il peut exister une disparité entre le ressenti du patient et ce que le médecin croit savoir du patient. Pour appuyer ses propos A. G. Mulley donne l’exemple suivant.
« Les praticiens – a fortiori s’il s’agit d’hommes ?! – croient que 75% des patientes souffrant d’un cancer du sein souhaitent en premier lieu garder leur sein, alors que 10% des femmes pensent que c’est la principale priorité. »
C’est une difficulté récente à laquelle nous ne sommes pas toujours formés. L’alternative thérapeutique doit être objective. A ce sujet les auteurs référencient une grille d'options [7] pour aider le patient à intervenir dans la décision thérapeutique. On trouve dans cette grille d’option un exemple de discussion pour réduire une hypercholestérolémie. D’autres sujets pourront y trouver place : réparation chirurgicale ou endo-vasculaire d’un anévrysme de l’aorte abdominale, contrôle du rythme ou de la cadence au cours de la fibrillation auriculaire…
Délivrer l’information est une chose, la faire comprendre en est une autre
Un patient averti en vaut deux ?
Pas sûr : une étude concernant la compréhension des instructions délivrées au sortir de la salle d’urgence semble indiquer le contraire [8, 9].
Cette étude, menée dans un service d’urgence, a inclus 160 patients qui n’ont pas été hospitalisés. Tous ont été informés de leur diagnostic, de leur traitement, des soins nécessaires à domicile, du suivi et du retour nécessaire en consultation.
Ils ont été contactés par téléphone 24-36 heures plus tard : 14% ne se souvenaient pas du diagnostic, 22% ignoraient leur médication, 40 % ne savaient pas qu’il leur fallait un suivi et 80 % ne se souvenaient pas des soins qu’ils devaient avoir à la maison.
Il est vrai que la tension émanant d’un événement aigu est en mesure de troubler les esprits, et à même de provoquer l’oubli des dialogues médicaux, même appuyés. Les explications malgré nos efforts sont parfois rébarbatives, concises ou non et pas toujours à la portée de celui qui souffre.
Les instructions de sortie, qu’il s’agisse de la sortie du service d’urgence d’un hôpital, ou d’un cabinet de consultation, doivent être clairement décrites et écrites par le praticien. Celui-ci doit s’assurer qu’il a eu un discours objectif et que le patient l’a bien compris.
Dans son commentaire sur les préférences du patients, A. G. Mulley fait cette remarque pertinente, qui pourrait servir de conclusion à la description du hiatus entre désir du patient, et souhait du médecin : « Faire un diagnostic clinique correct c’est dorénavant seulement la moitié du travail » [6].
Références
Delbanco T, Walker J, Sigall K. et coll. Inviting Patients to Read Their Doctors' Notes: A Quasi-experimental Study and a Look Ahead. Ann Intern Med. 2 October 2012; 157(7):461-470
Palen TE, Ross CJ, Powers DJ et coll. Association of Online Patient Access to Clinicians and Medical Records With Use of Clinical Services JAMA. 2012; 308(19):2012-2019. doi:10.1001/jama.2012.14126
Bates DW, Wells S, Personal Health Records and Health Care Utilization JAMA. 2012; 308(19):2034-2036. doi:10.1001/jama.2012.68169.
Ziaeian B, Araujo KLB, Van Ness PH et coll. Medication Reconciliation accuracy and patient understanding of intended medication changes on hospital discharge. .J Gen Intern Med 2012; 27: 1513-20.
Chabra PT, Rattinger GB, Dutcher SK et coll. Medication Reconciliation during the transition to and from long-term care settings: a systematic review. Res Social Adm Pharm. 2012 Jan; 8(1):60-75. Epub 2011 Apr 21.
Mulley AG, Trimble C, Elwyn G.Stop the silent misdiagnosis: patients’ preferences matter. BMJ 2012; 345:e6572
Engel K G, Barbara A. Buckley BA et coll. Patient Understanding of Emergency Department Discharge Instructions: Where Are Knowledge Deficits Greatest? Acad Emerg Med. 2012; 19: e1035-44.
Birnbaumer DM. Many Patients Don't Understand Their Discharge Instructions in Journal Watch Emergency Medicine October 5, 2012.
Liens
Citer cet article: Partenariat médecin-patient : le couple gagnant pour une meilleure observance - Medscape - 10 déc 2012.
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