POINT DE VUE

FREEDOM : le patient est libre de choisir... l'angioplastie coronaire !

Dr Jean-Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

7 novembre 2012

Paris, France –  Enfin une grande étude, présentée à grand renfort d’intervenants, montre clairement, définitivement que les pontages coronariens sont plus efficaces que l’angioplastie dans le cas de patients très particulier : les diabétiques tri-tronculaires [1].
            Sauf que N° 1 :
Cette étude ne reflète pas notre pratique quotidienne pour les raisons suivantes.
Il faut déjà mentionner l’échantillon initial des patients: 33 000.
Seulement 10% ont été sélectionnés, 3 300 grosso modo c'est-à-dire un rejet de 90% dont on ne connaît rien (à moins que j’ai mal lu). Y a-t-il des diabétiques ? Mono, bi, tri-vasculaires ? Des coronarographies normales ? Cela fait 30 000 coronariens potentiels éliminés d’emblée.
Sur les 3 300 élus (c’est la période), 40 % ont refusé l’enrôlement. Qui sont ces patients ? Pourquoi ont-ils refusé ? Que sont-ils devenus ? Là encore, même dans l’appendice, je n’ai rien vu à leur sujet. Il aurait été intéressant à mon avis de savoir s’ils s’étaient dirigés d’emblée vers l’une ou l’autre des techniques, et suivant quels critères. Et surtout de comparer leur devenir aux 1 900 ayant signé. Cela fera, on l’espère, l’objet de la publication d’une sous-étude.

Des évènements qui font plus peur que d’autres

Si l’on considère le critère primaire – association de décès toutes causes, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux – le pontage aorto-coronarien l’emporte sur l’angioplastie avec stents actifs.
            Sauf que N° 2 :

Les pontages l’emportent grâce au bénéfice sur les décès toutes causes et infarctus du myocarde. Ce n’est pas le cas pour les accidents vasculaires cérébraux. Ceux-ci sont majoritairement plus importants chez les pontés, et ce, tout au long des 5 ans, pas simplement en post opératoire.
A mon avis c’est une sacrée épine dans le pied, minimisée par les différents intervenants avec tout le respect que je porte au Pr Valentin Fuster
(Mount Sinai Hospital, New-York).
Qu’une alternative pareille m’échoit, et c’est le risque futur d’infarctus (ou décès) qui sera l’objet de mon choix. L’accident vasculaire cérébral est l’événement le plus redouté, pas besoin de faire un micro-trottoir pour s’en convaincre.

Ne rien oublier dans la discussion

La Heart Team
, dont on parle partout depuis peu. Les arguments en faveur d’une technique ou de l’autre doivent être précisés « avant d’entrer dans la salle de cathétérisme », soulignent les orateurs et autres éditorialistes [ 2
].
Oui mais :

A côté de la discussion nécessaire – notamment autour de l’attaque cérébrale – il faut mentionner l’immobilisation imposée par la chirurgie.
Là encore, la discussion est vite close. Rester deux nuits à l’hôpital et retourner au travail dans la semaine ou rester 10 jours au minimum et retravailler dans un mois : il faudra de solides arguments pour convaincre le patient de choisir la seconde solution.
Il y a fort à parier que la vision à court terme l’emportera, même si les ré-hospitalisations pour nième revascularisation sont légions ; on le constate dans la vraie vie.

Qualité de vie (après la période post opératoire)

Reste-t-il des arguments pour la chirurgie dans la pratique quotidienne ? Bien sûr !

Il faut reconnaître à la chirurgie une meilleure qualité de vie après la période opératoire. Quant à notre suivi, reconnaissons-le, il est beaucoup plus facile quand le patient a été ponté.
  • Gestion facile de l’aspirine, exit les autres antiagrégants ;

  • Sérénité lors d’une intervention chirurgicale programmée ou non ;

  • Rareté de l’angor résiduel, on le voit dans cette étude, diminution significative des infarctus du myocarde, des décès, ce que n’a pas encore été prouvé pour les angioplasties, tout au moins électives ;

  • Responsabilisation plus importante des patients opérés concernant la prévention secondaire et le respect des traitements souvent moins encombrants.

 

Métaphore

J’emploie souvent la métaphore suivante avec les patients lors de l’alternative pontage ou angioplastie.
Le pontage peut être assimilé à un achat comptant : un mois d’hospitalisation, et on n’en parle plus si l’on respecte la prévention secondaire !
L’angioplastie c’est un achat à crédit : vous donnez peu mais souvent.
Nos collègues cardiologues interventionnels n’ont pas de souci à se faire : les patients continueront à choisir LIBREMENT le crédit !

 

Références

  1. Fuster V. Main Results of the Future Revascularization Evaluation in patients with Diabetes mellitus: Optimal management of Multivessel disease. (FREEDOM) Trial. Late-breaking clinical trial I, AHA 2012.

  2. Farkouh M.E, Domanski M, Sleeper L.A et al. Strategies for Multivessel Revascularization in Patients with Diabetes. New. Engl J. Med. 2012; publié en ligne le 4 Novembre 2012.

  3. Hlatky MA. Compelling evidence for coronary-bypass surgery in patients with diabetes. New Engl J Med.  2012; publié en ligne le 4 Novembre 2012

 

Liens

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