Paris, France – 29 septembre 2012 : la Journée Mondiale du Cœur est dédiée à la femme et à l’enfant.
On sait les femmes soumises à des tensions émotionnelles différentes, mais aussi plus importantes.
Tension au travail et charges familiales : les femmes font très souvent face simultanément à ces deux responsabilités.
Devant ce double engagement réagissent-elles différemment par rapport aux hommes en ce qui concerne leur santé cardiovasculaire ?
Les contraintes professionnelles
Une étude spécifiquement féminine répond : oui, les tensions professionnelles sont effectivement génératrices d’accidents vasculaires. Et oui encore, la réponse au stress est légèrement différente chez la femme.
Cette étude prospective américaine [1] a porté sur 22 000 femmes (en moyenne âgées de 57 ans) incluses dans la Women’s Health Study.
A 10 ans les femmes ayant un emploi avec des contraintes pesantes (les tâches sont lourdes et sans possibilité de contrôle) ont un sur-risque (RR=1,4) de survenue d’événements cardiovasculaires, par rapport aux activités professionnelles avec faibles contraintes (tâches légères, rythmées ou non).
Ce sur-risque vasculaire est le même (RR=1,4) chez les femmes aux professions très actives, mais sans stress (charges importantes avec gestion personnelle de l’exécution). Ce risque accru pour les professionnelles entreprenantes est une particularité de cette étude féminine.
En effet, cette différence entre les deux sexes concernant les professions actives n’est pas retrouvée dans une récente méta-analyse du Lancet [2].
Dans cette étude, seul le travail lourd dont l’exécution est imposée, qualifiant le « stress professionnel » intense, comporte un sur-risque vasculaire (RR=1,23), et aussi bien chez la femme que chez l’homme. Les professions à activités importantes et réalisation librement consentie n’exposent pas les femmes à un risque cardio vasculaire supplémentaire.
L’insécurité de l’emploi, curieusement, n’est pas un élément de tension professionnelle dans la Women’s Health Study. Cette question importante n’a pas été soulevée dans la méta analyse de Kivimäki [2].
Les médecins peuvent intervenir dans l’insécurité au travail, et non pas dans l’insécurité de l’emploi. Le sujet n’est pas matière à étude médicale ; c’est probablement une des raisons pour lesquelles il n’est pas (ou peu) abordé.
Les horaires contre-nature : « le job-lag »
Un article du British Medical Journal [3] s’est intéressé au risque cardiovasculaire lié à des professions ayant des horaires nocturnes ou variables.
Vyias et coll. définissent l’horaire standard du travail entre 9 heures et 17 heures. Les horaires en dehors de ceux-ci sont qualifiés de non circadiens : ils sont potentiellement responsables d’un surnombre de maladies cardiovasculaires.
Il s’avère en effet que pour les équipes à horaire nocturne, ou travaillant par rotation, ou bien avec des horaires sujets à un changement permanent, il existe un sur risque d’accidents cardiovasculaires : événements coronariens (plus 23%), infarctus du myocarde (plus 24%) accidents cérébraux (plus 5%). En revanche, les équipes de fin d’après-midi/soirée semblent épargnées.
Les infirmières payent un lourd tribut à ces horaires contre-nature et ce « décalage d’horaire » est monnaie courante pour le personnel soignant. Même si les auteurs n’ont pas différencié dans cette analyse les hommes et les femmes, la proportion féminine ne doit pas être négligeable dans la population prise en compte.
Les investigateurs soulignent le fait que face à cette situation préjudiciable à la santé, ces professionnels doivent être d’autant plus vigilants et s’astreindre à une vie d’autant plus saine.
Les implications familiales : les femmes au premier chef, par habitude !
La professeure Xiao Xu (Economiste de santé, Yale University) fait la remarque suivante [4] : les femmes, par principe, ont une implication plus importante dans la vie familiale. Au stress professionnel s’ajoute pour la majeure partie d’entre elles le stress familial. Traditionnellement ce sont en effet elles qui prennent en charge les enfants, la famille souffrante, que ce soient les enfants, les parents et beaux-parents….
Ce surcroît émotionnel familial spécifiquement féminin doit être pris en compte dans l’évaluation du stress psychologique féminin.
Les études ultérieures devront s’attacher à cette particularité féminine
Cela rejoint la conclusion de Netterstrom dans son éditorial [5] du Lancet, associé à l’étude sus citée : différents types d’emplois génèrent différents types de contraintes.
Pour la femme les contraintes s’avèrent plus importantes.
Si cet impact du stress professionnel sur les maladies cardiovasculaires est relativement faible, 3 à 4% pour Kivimäki [2], comparé aux effets du tabac, de l’hypertension, il n’en reste pas moins que le mal-être fait le lit du tabagisme, de la mauvaise hygiène de vie, de l’hypertension !
Références
Slopen N, Glynn RJ, Buring JE et coll. Job strain, job insecurity, and incident cardiovascular disease in Women’s Health Study: results from a 10-year prospective study. PLoS One.2012; 7 (7):e40512. http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0040512
Kivimäki M, Nyberg ST, Batty GD et coll. Job strain as a risk factor for coronary artery disease: a collaborative meta-analysis of individual participant data. The Lancet DOI:10.1016/S0140 http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2812%2960994-5/abstract
Vyas MW, Garg AX, Iansavichus AV et coll. Shift work and vascular events: systematic review and meta-analysis. BMJ. 2012. 345: e4800.doi:10.1136/bmj.e4800. http://www.bmj.com/content/345/bmj.e4800
Xiao Xu, PhD. Stress and coronary heart disease : What role does gender play ? www.cardioexchange 24 sept2012.
Netterstom B. Job strain as a measure of exposure to psychological strain. The Lancet. doi:10.1016/S0140-6736(12)61512-8 http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2812%2961512-8/fulltext
Liens
Relation confirmée entre stress professionnel et coronaropathie
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[heartwire > Actualités ; 21 août 2007]
Citer cet article: Stress professionnel et familial : la combinaison à risque pour les femmes - Medscape - 9 oct 2012.
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