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Tout au long de leur carrière, les médecins sont amenés à prendre des décisions parfois difficiles.
• Quelle attitude adopter face au patient en fin de vie?
• Faut-il céder aux exigences des proches?
• Doit-on révéler toutes les erreurs médicales, même les plus bénignes?
• Rompre le secret médical pour protéger autrui ?
Plus de 4000 médecins de 42 pays d’Europe ont répondu à un sondage de Medscape pour connaitre leur point de vue sur diverses situations en lien avec l’éthique médicale. Ce diaporama se focalise sur les réponses des médecins français, qui parfois, dans leur choix, se démarquent de leurs homologues européens et américains. - titre
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Parmi les médecins français ayant répondu au sondage, 21% sont des généralistes. La cardiologie et la psychiatrie sont les spécialités les plus représentées, avec 13 % chacune.
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Près de la moitié des médecins français (43%) estime qu’il faut savoir relativiser les risques associés à un traitement ou à une intervention pour obtenir l’adhésion d’un patient. Un point de vue que partagent plus particulièrement les cardiologues. Les médecins français se démarquent ainsi des autres pays d’Europe, où, en moyenne, seul un médecin sur quatre est de cet avis. Aux Etats-Unis, ils ne sont que 10%.
Un praticien français sur quatre (21%) préfère toutefois agir au cas par cas. Dans leurs compléments de réponse, ceux-ci indiquent que leur attitude dépend du traitement, « du risque, et du rapport bénéfice/risque », mais aussi « de la psychologie du patient », « de sa capacité à comprendre » ou « à donner son consentement ».
Les médecins favorables à la transparence (36%) évoquent, quant à eux, la nécessité de rester sincère, « pour maintenir la confiance » et garantir ainsi « une bonne évolution dans la maladie ». - titre
Même si un médecin sur trois (32%) considère que le comportement à adopter dépend des circonstances, la plupart des praticiens interrogés (47%) sont plus affirmatifs et se disent prêts à s’opposer à la volonté des proches s’il en va de l’intérêt du patient. Une position surtout exprimée par les plus âgés.
En plus de l’intérêt du patient, un autre principe est mis en avant dans les commentaires des médecins: le respect de sa volonté. « La décision appartient au patient », qui doit si possible « décider seul », notent certains d’entre eux, qui parlent de responsabilité, voire « d’une obligation » de maintenir le traitement si cela est bénéfique pour le patient. L’avis de la famille est alors perçu comme secondaire.
La nécessité d’une décision collégiale incluant l’ensemble de l’équipe médicale est évoquée à plusieurs reprises. « Les familles sont informées que la décision finale reste du devoir des médecins et du patient ». - titre
Autre résultat qui montre que les médecins français sont peu enclins à céder à la pression exercée par les familles: seul un sur cinq (22%) accepterait de ne pas transmettre certaines informations à la demande des proches. Une rétention d’information davantage envisageable pour les praticiens les plus jeunes.
Pour une majorité de médecins (43%), les proches n’ont pas à interférer dans leur communication avec le patient, notamment dans « le respect de la confidentialité » et du secret médical.
Un praticien sur trois (35%) s’estime toutefois prêt à satisfaire les familles si le contexte le justifie. L’écoute est alors plébiscitée, tant vers le patient, que vers ses proches pour comprendre les motivations et savoir quel est le niveau d’information souhaité. - titre
La majorité des médecins français (43%) estime qu’il vaut mieux dissimuler une erreur si elle n’est pas préjudiciable. Un avis plus souvent partagé par les praticiens hommes que par les femmes. Pour les autres pays européens, les médecins qui se positionnent ainsi représentent en moyenne 37% des répondants, tandis qu’aux Etats-Unis, où la crainte des poursuites judiciaires pousse davantage à la transparence, ils sont seulement 19%.
Si certains médecins français ne voient « aucun intérêt médical pour le patient à l’informer d’une erreur » sans conséquence, d’autres mettent surtout en avant le risque d’altérer une précieuse relation de confiance. Le « risque de voir le patient arrêter son traitement » est aussi évoqué.
Pour les 32% de médecins français qui préfèrent être sincères en toutes circonstances, c’est non seulement « une question de responsabilité », mais aussi un moyen de « préserver la confiance du patient ». - titre
En revanche, si l’erreur en vient à porter préjudice au patient, les médecins français ne sont plus que 16% à considérer comme acceptable de ne pas la révéler, contre 9% pour les autres pays d’Europe et 3% aux Etats-Unis. A nouveau, les hommes sont plus enclins à dissimuler l’information que les femmes.
Près d’un médecin sur cinq (20%) préfère agir au cas par cas, selon le risque encouru, notamment « pour éviter d’inquiéter le patient » et de renforcer davantage le préjudice.
Pour ceux, majoritaires, qui s’y refusent catégoriquement, c’est avant tout une question de déontologie. Autre argument avancé: le risque de poursuite judiciaire. - titre
Dans l’ensemble, les médecins sont peu enclins à prescrire un traitement sans effet dans le seul but de rassurer le patient. Mais, l’analyse des réponses montre que les médecins généralistes se montrent plus souples envers cette pratique.
La plupart des médecins favorables (30%) évoquent dans leurs commentaires les bénéfices de l’effet placebo. « Il suffit que le patient soit persuadé du bénéfice du traitement pour que je le prescrive », indique l’un d’entre eux. Certains évoquent aussi la crainte de voir leur patient partir consulter un autre médecin.
Une majorité de médecins français (46%) y sont toutefois opposés, surtout des spécialistes. - titre
Deux médecins sur cinq (40%) estiment que la confidentialité concernant un patient peut être rompue dans l’objectif de préserver la santé d’une tierce personne. Une opinion essentiellement partagée par les praticiens les plus jeunes (moins de 40 ans): un sur deux (48%) se dit prêt, dans ces conditions, à briser le secret médical. Dans le reste des pays européens et aux Etats-Unis, les médecins sont respectivement 59% et 66% à l’envisager.
Si certains médecins français considèrent qu’il est fondamental d’obtenir le consentement du patient avant de divulguer des informations sur son état, d’autres affirment qu’une telle décision ne peut être appliquée sans l’aval du conseil de l’ordre.
Pour le tiers restant qui s’y oppose fermement, le respect du secret médical reste incontestable. S’en affranchir est considéré comme une faute professionnelle. Dans le reste de l’Europe, ils sont moitié moins (17%) à se montrer ainsi catégorique. - titre
Plus d’un médecin français (37%) sur trois considère que les traitements pour maintenir en vie sont arrêtés trop tôt. Une part étonnamment élevée, comparativement au reste de l’Europe, où en moyenne un quart des médecins (25%) se montrent sceptiques. En Allemagne, ils sont ainsi 21% à partager cet avis. Aux Etats-Unis seulement 14%.
Ce résultat révèle la crainte de voir les restrictions budgétaires aboutir à des décisions non conformes à l’éthique médicale. Dans leurs commentaires, plusieurs médecins français ont ainsi fait part de leurs préoccupation voire d’une certaine certitude, tout en avouant n’avoir jamais été témoins de telles pratiques.
Pour la majorité des médecins (63%), l’arrêt des traitements dans ces conditions reste difficilement concevable. Beaucoup expriment une confiance envers les institutions françaises pour éviter ce genre de dérive. - titre
Cette question recueille des avis semblables entre les médecins des différents pays, mais aussi entre les tranches d’âge et les diverses spécialités des médecins français.
En France, pour beaucoup de praticiens (42%), le comportement à adopter peut varier selon les circonstances. « Tout dépend de l’état d’esprit du patient », « de son souhait ». Les compléments de réponse révèlent un sens de l’empathie, qui n’est pas sans influence sur la décision du médecin.
L’avis de la famille est aussi pris en compte. « Un maintien en vie n’est pas inutile lorsqu’il s’agit d’accorder du temps à la famille pour se préparer à l’irrémédiable » et prendre une décision de fin de vie, commentent des praticiens.
Près d’un médecin sur quatre (21%) se montre plus catégorique, jusqu’à considérer comme « une évidence » de devoir maintenir en vie, qu’importe l’issue. « Il est important de montrer que ce n’est pas uniquement le médecin qui décide ».
Cette nécessité de recueillir l’avis du patient et de ses proches avant toute décision est aussi avancée par une majorité de ceux qui refusent le maintien systématique des traitements. - titre
A l’heure où le gouvernement français s’apprête à modifier sa législation sur la fin de vie, les questions de l’euthanasie ou de l’assistance au suicide suscitent toujours de profondes divergences. Ce que confirme ce sondage, qui révèle une opposition à part égale entre les médecins français. Avec, toutefois, un avis plus favorable chez les médecins généralistes.
Les compléments de réponse apportées par les répondants reflètent le débat en cours concernant la modification de la loi Leonetti. D’un côté, les opposants affirment que « ce n’est pas le rôle du praticien » de provoquer le décès et qu’il faut avant tout « soulager le patient ». D’un autre côté, le choix éclairé du patient est valorisé, à condition que le geste soit strictement encadré.
A plusieurs reprises, la distinction entre suicide assisté et euthanasie a été soulignée. Ce qui renvoie aux résultats du sondage de 2013 du conseil national de l’Ordre des médecins: 60% des médecins interrogés se sont dits favorables à l’euthanasie active, mais 58% sont contre le suicide assisté. - titre
S’abstenir d’annoncer un diagnostic grave en situation de fin de vie pour conserver la motivation du patient est une attitude qu’une majorité de médecins français (44%) semblent disposés à adopter, en particulier les plus de 40 ans. Un taux qui se situe dans la moyenne européenne, alors qu’aux Etats-Unis, seuls 21% des médecins adopteraient cette attitude.
Pour autant, le respect de la volonté du patient apparait comme essentiel. Plusieurs médecins prêts à restreindre l’information, mais aussi ceux qui prônent à l’inverse la transparence, insistent sur la nécessité de connaitre les attentes du patient envers l’équipe médicale.
Selon ceux qui privilégient l’honnêteté, il reste fondamental de faire preuve d’empathie et d’adapter son discours au moment de l’annonce. - titre
La moitié (53%) des médecins français se disent défavorables à la réanimation d’un nouveau-né, dont les séquelles seraient lourdes et irréversibles en cas de survie. En Europe et aux Etats-Unis, près d'un médecin sur quatre partage cette opinion.
La question de la réanimation du nouveau-né reste un sujet sensible pour lequel il est difficile pour les médecins de se positionner. La plupart évoquent dans leurs commentaires la nécessité de respecter avant tout le choix de la famille. Il est également rappelé que la décision est à prendre de façon collégiale, en collaboration avec l’équipe impliquée.
Le maintien des traitements prend également en compte l’âge de l’enfant, les nouveau-né de moins de 23 semaines n’étant généralement pas réanimés. - titre
Même si la pratique est contre leurs principes, plus de la moitié des médecins se disent prêts à effectuer une interruption volontaire de grossesse (IVG). Une position davantage affichée par les femmes. A l’inverse, un tiers des médecins (32%) s’y opposent catégoriquement, qu’importe les conditions. Aux Etats-Unis, ils sont 41% à s’y opposer.
Certains partisans soulignent que les réticences sont plus facilement écartées lorsqu’il s’agit d’interrompre une grossesse survenant après un viol ou mettant en danger la vie de la mère. - titre
Dans l’ensemble, un médecin sur deux serait prêt à orienter un patient vers un autre médecin plus compétent pour un soin. Un avis qui est plus souvent exprimé par les médecins spécialistes, en particulier les cardiologues et les psychiatres.
Pour certains, il s’agit seulement de « présenter une situation, sans influencer le choix » du patient. Cependant, si l’intérêt du patient prime pour la plupart des médecins, d’autres estiment que l’information est à réserver aux patients les plus fidèles et « seulement s’ils le demandent ». - titre
Seul un médecin français sur quatre (28%) signalerait un confrère qui ne serait plus en état d’exercer. Sur ce point, la France se démarque du reste de l’Europe. En moyenne, la majorité (46%) des médecins des autres pays européens donneraient systématiquement l’alerte. Encore plus aux Etats-Unis (77%).
Dans leurs commentaires, la plupart des médecins français font valoir la solidarité entre confrères. « Venir en aide au médecin », « essayer de convaincre », accorder du temps à la discussion sont des actions présentées comme prioritaires avant d’envisager un signalement.
Tout dépend également du risque encouru par les patients. Ce qui nécessite de prendre le temps d’évaluer la situation avant toute décision, soulignent certains. - titre
La majorité des médecins français (52%) estiment qu’ils devraient faire l’objet de contrôles aléatoires sur leur consommation d’alcool ou de drogue. Un avis beaucoup moins partagé par leurs homologues allemands (35%) et américains (39%), mais proche de la moyenne du reste des pays européens (56%).
« Prescrire sous l’emprise d’un état alcoolique est aussi dangereux que de conduire dans le même état », commente l’un des médecins favorables à cette idée. Une telle mesure reste toutefois difficilement imaginable en pratique, notent certains, qui préfèrent des contrôles ciblés en cas de suspicion.
Pour un médecin français sur trois (35%), ce genre de contrôle inopiné reste inconcevable. « A chacun de prendre ses responsabilités » pour éviter une mesure « humiliante », perçue par certains comme une « atteinte aux libertés ». - titre
Les praticiens français ont plutôt tendance à croire qu’ils peuvent entretenir des relations avec l’industrie pharmaceutique et leurs représentants sans que leur prescription en soit modifiée. Un avis beaucoup plus partagé (51%) par les médecins spécialistes que par les médecins généralistes (36%). Dans le reste des pays d’Europe et aux Etats-Unis, ils sont encore plus nombreux à se montrer confiants (respectivement 52% et 59%).
Les praticiens français mettent parfois en avant leur capacité de discernement. Ceux qui sont confrontés à cette situation s’estiment généralement capables de garder suffisamment d’indépendance pour prescrire au final ce qui semble le plus approprié pour le patient.
Un médecin sur trois (34%) considère au contraire que l’influence est inévitable. Moins sollicités par l’industrie pharmaceutique, les généralistes se montrent davantage convaincus : ils sont près de la moitié (48%) à l’affirmer.
En se focalisant sur les tranches d’âge, il apparait que ce sont surtout les médecins les plus jeunes (moins de 40 ans) qui se disent confiants dans leur capacité à s’affranchir de toute influence, en cas de conflit d’intérêt. Pour développer le sens critique, la Haute autorité de santé (HAS) a récemment traduit et publié un document conséquent de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) décryptant les techniques d’influence utilisées par l’industrie pharmaceutique, notamment auprès des étudiants en médecine. - titre
Dans l’ensemble, près d’un médecin français sur quatre (24%) a déjà eu des soupçons de maltraitance, sans pour autant alerter, ni chercher à enquêter. Un taux légèrement au dessus de la moyenne des autres pays européens (20%). En considérant uniquement le médecins généralistes, ce sont un tiers des praticiens qui font ce constat, certainement en raison d’une patientèle plus importante.
Les médecins qui ont ainsi écarté leurs suspicions évoquent des difficultés à apporter les preuves de la maltraitance. Ils rapportent également une méconnaissance des procédures à suivre, qui peut générer un sentiment d’impuissance.
Parmi les praticiens ayant choisi d’agir face à une éventuelle maltraitante, plusieurs ont indiqué avoir sollicité les services sociaux pour mener l’enquête. - titre
Contrairement aux praticiens allemands, où les avis révèlent davantage de souplesse, les médecins français sont peu disposés à établir une relation intime avec un ou une patiente. Ainsi, les trois quarts (71%) disent s’y refuser catégoriquement.
Dans le reste des pays européens, plus de la moitié (57%) des médecins sont opposés à toute relation autre que professionnelle. Aux Etats-Unis, ils sont encore plus nombreux (67%) à afficher cette attitude. - titre
Près d’un médecin français sur deux (46%) estime que les patients n’adoptant pas une vie saine devraient être pénalisés en finançant davantage l’assurance maladie. Un avis que partagent plus souvent les médecins hommes, que leurs collègues féminines.
Si certains médecins se montrent favorables à l’idée de sanctionner l’irresponsabilité, d’autres indiquent que cette pratique installerait « une forme de discrimination envers des patients, qui ont justement besoin d’aide ».
Il est aussi rappelé que les consommateurs de tabac et d’alcool apportent déjà un financement supplémentaire à l’assurance maladie, à travers les taxes appliquées sur ces produits.
En s’attardant sur le profil des praticiens interrogés, une différence d’opinion apparait en fonction de l’âge. Ainsi, ce sont surtout les médecins âgé de 4O ans et plus qui se montrent davantage séduits par l’idée d’obtenir une contribution plus élevée à l’assurance maladie de la part des patients les moins disposés à respecter les recommandations. - titre
Auteurs :
Vincent Richeux
Journaliste médical
Lien d’intérêts : aucun
Véronique Duquéroy
Directrice éditoriale, Medscape
Lien d’intérêts : aucun
Questionnaire original:
Leslie Kane
Director
Medscape Business of Medicine
Lien d’intérêts : aucun