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Véronique Duquéroy
Directrice éditoriale, Medscape

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Sondage : les dilemmes éthiques des médecins français

Véronique Duquéroy  |  27 septembre 2017

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Deux ans après la parution de notre premier sondage sur l’éthique médicale, des médecins français membres de Medscape ont accepté de partager à nouveau leurs opinions et leurs expériences sur des sujets délicats tels que l’euthanasie, le secret médical, la religion, mais aussi leurs relations avec les patients, leurs confrères ou l’industrie. Ils témoignent également des dilemmes éthiques auxquels ils ont dû faire face au cours de leur carrière.

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724 médecins exerçant en France et membres de Medscape ont répondu à ce sondage en ligne entre le 21 avril et le 13 juin 2017.

L'échantillon était à prédominance masculine (67%) et la moitié des répondants avait plus de 55 ans. 78% d’entre eux travaillaient à temps plein.

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Les répondants étaient en majorité salariés (58%) et un praticien sur deux exerçaient dans une structure hospitalière.

Le sondage a également été soumis à des médecins membres de Medscape exerçant aux États-Unis (n=7222) et en Allemagne (n=551) afin de comparer les résultats avec ces deux pays. Les échantillons sont comparables, la proportion de femmes étant toutefois un peu plus élevée aux É.-U (37%). Les médecins américains étaient également un peu moins nombreux à exercer en hôpital (31%).

La marge d’erreur est de +/- 3,06% (IC 90%).

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Les médecins généralistes étaient les plus largement représentés (1/5), suivis par les cardiologues (1/10), les psychiatres et les anesthésistes-réanimateurs.

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Près d’un médecin français sur deux estime que sanctionner financièrement les patients qui n’adoptent pas de saines habitudes de vie n’est pas une bonne solution. Lorsque nous avions posé la même question en 2014 aux médecins membres de Medscape, un sur trois avaient alors répondu NON. Pénaliser les patients semble encore moins pertinent aujourd’hui.

Dans leurs commentaires, les médecins considèrent que l’addiction au tabac et les troubles alimentaires font partie du processus pathologique : augmenter les frais d’assurance serait donc « une double peine » pour les patients et « contre-productif sur le plan de la santé, en particulier des classes défavorisées ». Ils suggèrent plutôt d’approfondir le dialogue avec le patient non-observant et de persévérer dans l’éducation thérapeutique ; ils sont plusieurs à rappeler que le tabagisme est déjà taxé en France

Pour 23% des médecins, il serait concevable d’imposer une pénalité dans certaines circonstances (après un délai suffisamment long ou après des aides au sevrage et des consultations diététiques infructueuses), mais en tenant compte du niveau socio-économique et des capacités psychologiques et intellectuelles du malade.

Pour les médecins se disant en faveur d’une pénalité (30%), il s’agit de « responsabiliser » ces patients qui prennent « des risques connus et consentis aux frais de la collectivité ».  Les hommes et les spécialistes (non généralistes) sont plus nombreux à être de cet avis.

Comparativement à leurs homologues étrangers, les médecins américains sont deux fois plus nombreux à être d’accord avec une hausse des primes d'assurance pour les patients non observant ou s’engageant dans des comportements à risque.

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La grande majorité des médecins acceptent de soigner les patients non vaccinés. Pour certains, la situation s’est déjà présentée, et refuser de traiter le patient serait « contraire au code de déontologie ». Alors qu’en 2018 la vaccination infantile deviendra obligatoire pour 11 vaccins, les médecins français veulent que « la liberté individuelle du patient » soit respectée. Dans leurs témoignages, certains rappellent qu’ils sont avant tout médecins, et non pas « juges, ni policiers. » Leur rôle est de continuer à « expliquer » et « essayer de convaincre » les familles.

Le refus de prise en charge, admis par 13% des répondants, se produit lorsque « le lien de confiance est rompu » entre le soignant et le patient ; celui-ci est alors « référé à un collègue ».

Aux États-Unis, les médecins sont moins disposés que leurs homologues français et allemands à prendre en charge les patients non vaccinés.

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La moitié des répondants français considèrent qu’il est éthique d’exiger la vaccination des médecins en contact avec des patients. Il s’agit pour eux de prévenir les infections (« ne pas devenir un serial killer! ») mais aussi de « donner l’exemple » et de rester « crédible ».

À l’inverse, 37% des médecins sont en désaccord avec l’exigence de la vaccination : plusieurs mentionnent l’absence de preuves et « d’études sur l'efficacité de la vaccination des soignants et son retentissement sur la propagation de la grippe ». « Exiger » est également perçu comme une attaque contre leurs libertés individuelles. Lors d’une conférence de presse, la ministre Agnès Buzyn avait récemment exprimé son souhait « que les professionnels de santé montrent l'exemple » et n’excluait pas « de procéder par obligation. » Selon les résultats de ce sondage, la profession reste à convaincre...

Les médecins allemands sont beaucoup plus nombreux à être opposés à une obligation de la vaccination contre la grippe dans leur profession ; ils indiquent des raisons similaires à celles avancées par les français (manque de preuves dans le cas de la grippe et liberté de choix). Mais aux États-Unis, où la vaccination grippale a été élargie en 2015 à tous les individus de plus de 6 ans, les deux tiers des médecins considèrent tout à fait éthique d’exiger la vaccination des professionnels.

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La grande majorité des médecins interrogés refuse l’idée de monnayer le don d’organe. Cela ouvrirait la porte « à la marchandisation du biologique », un « engrenage » qui favoriserait le « trafic d’organes ». Dans leurs commentaires, certains entrevoient un futur où les biotechnologies permettraient de parer à la pénurie d’organes.

Néanmoins, dans certaines circonstances (9%), des médecins sont d’accord avec un dédommagement, par exemple pour les frais de transport ou le temps professionnel perdu pour les donneurs – ce qui déjà prévu par la loi de bioéthique de 2011.

Pour les partisans de la légalisation de la vente (10%) et de l’achat (8%) d’organes, cela permettrait d’augmenter le nombre de donneurs ou de lutter contre le trafic illégal.

Il n’y avait pas de différence significative entre les médecins français et allemands sur le sujet ; les médecins américains étaient cependant deux fois plus nombreux que leurs homologues français à être en faveur de l’achat d'organes dans leur pays.

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La plupart des médecins, quel que soit le pays, ne minimiseraient pas les risques d’une procédure pour obtenir le consentement du patient. Pour les praticiens français, c’est la relation de confiance qui est en jeu : « Nos patients méritent une information claire et loyale ». Pragmatique, un psychiatre fait remarquer « qu’avec Internet, chacun a accès à toutes les informations sur les risques, il est donc illusoire de chercher à minimiser. »

Les médecins français et allemands, en particulier les moins de 40 ans, sont plus nombreux que leurs homologues américains à admettre qu’ils pourraient relativiser les risques, et ce « pour le bénéfice du patient » ; certains reconnaissent qu’ils minimisent déjà les risques de façon « inconsciente ». En France, la tendance en ce sens est plus forte chez les hommes et les spécialistes, sauf chez les psychiatres qui sont, de loin (8%), les moins favorables à dissimuler la vérité.

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La plupart des médecins, en particuliers les français et les moins de 40 ans, prescriraient un traitement inactif à un patient exigeant.

« Quel médecin ne l'a pas fait ? », demande un cardiologue. Les médecins français avouent donc le pratiquer « souvent », « le rapport bénéfice/risque étant excellent ». Cela permet également de « conserver un lien thérapeutique, si à terme on va vers la guérison des problèmes du patient ». Pour beaucoup, le placebo est « aussi un traitement actif » qui a toute sa place en médecine.

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La moitié des médecins français se disent prêts à aller contre la volonté des proches s’il en va de l’intérêt du patient. C’est plus du double que les médecins allemands et américains, qui majoritairement agiront selon les circonstances.

En France et en Allemagne, il y a une différence significative entre les hommes et les femmes, ces dernières étant moins susceptibles d’agir sans l’accord de la famille.

Les praticiens français insistent sur l’importance du dialogue avec la famille, mais c’est le choix et l’intérêt du patient qui priment. Un psychiatre témoigne : « C'est une question de conscience professionnelle. Il est contraire à l'éthique de faire de l'euthanasie active sur décision de tiers quels qu’ils soient. Mais il convient de s'entourer de toutes les précautions notamment au plan juridique… »

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À moins que « l’annonce ne soit encore plus dommageable que l'erreur elle-même... », il est inacceptable de cacher une erreur médicale qui pourrait porter préjudice au patient pour la majorité des médecins interrogés. Les médecins allemands, et surtout américains, sont plus stricts que leurs homologues français sur ce point.

Comme lors de l’enquête menée en 2014, les hommes étaient plus susceptibles de cacher la vérité à leurs patients que les femmes.

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Plus de la moitié des médecins français refuseraient de céder à la pression exercée par la famille du malade. La situation pourrait néanmoins être envisagée « si le patient est fragile psychologiquement » ou « s’il n'est pas prêt à recevoir l’information et risquerait de mettre fin à ses jours ».

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La majorité des médecins briserait le secret médical pour protéger des victimes potentielles, en particulier dans le cadre des maladies à déclaration obligatoire, tel que prévu par la Loi. Mais certains praticiens témoignent être intervenus dans d’autres cas, comme lors de contaminations VIH préméditées, voire d’un projet de meurtre. Dans tous les cas, la priorité est d’essayer de convaincre le patient de déclarer lui-même la situation, notamment au conjoint pour les maladies sexuellement transmissibles (MST) ou les maladies génétiques héréditaires.

« Il y a aussi des façons de contourner » la situation, commentent plusieurs répondants. Une gynécologue explique que dans le cas de certaines MST, elle « donne une prescription pour les 2 conjoints… en suggérant une explication bidon pour que le partenaire soit traité » si elle pense que le courage manquera à son patient. D’autres, sans dévoiler la pathologie, donnent des conseils préventifs aux proches.

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Plus de la moitié des médecins français se disent prêts à ne pas partager des informations sur un diagnostic en situation de fin de vie pour préserver le moral du patient. Ils se distinguent nettement de leurs collègues allemands et américains qui sont beaucoup plus nombreux à divulguer toutes les données.

Un psychiatre français répond : « Oui, sans hésitation et je pense que beaucoup de mes confrères seraient inspirés de réfléchir au bienfondé d'une attitude inverse, qui parfois relève même de la perversité ».

Pour un pédiatre, « l'attitude éthique de communication n'est pas de dire la réalité mais la vérité ». Il s’agit donc, pour beaucoup, de « ne pas faire souffrir inutilement » un patient en fin de vie, « l'omission n'étant pas un mensonge ».

D’autres rappellent que la situation est « prévue dans la Loi et le code de déontologie ».

Pour l’autre moitié des répondants, qui à part égale refuse de dissimuler des informations ou hésite à le faire, la bonne pratique réside dans « la façon de présenter les choses » au moment de l’annonce et la nécessité de montrer de l’empathie.

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66% des médecins français pensent que les traitements pour maintenir en vie ne sont pas interrompus trop tôt, et suggèrent dans leurs commentaires que l’arrêt survient au contraire assez tardivement. Certains parlent même « d’acharnement thérapeutique ».

Les résultats sont similaires à ceux de l’enquête menée il y a trois ans, dans laquelle 67% des médecins français considéraient que l’arrêt thérapeutique ne se fait pas trop précocement. Leurs homologues américains en sont encore plus convaincus (78%).

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Les médecins français sont encore partagés sur le suicide médicalement assisté*: 42% sont pour, 41% contre.  Ils se démarquent ainsi de la population générale française qui est majoritairement en faveur de l’euthanasie (90% selon un sondage Ifop paru en mars 2017). Dans notre sondage, les médecins de moins de 40 ans étaient moins favorables à l’euthanasie active que leurs collègues plus âgés.

Dans leurs compléments de réponse, les médecins français estiment que « les dernières dispositions légales, soit la sédation terminale [Loi Claeys-Léonetti votée le 17 mars 2015], paraissent suffisantes » et « laissent une large part de liberté aux médecins ». Ils préconisent donc « un accompagnement du patient en fin de vie et une sédation profonde, plutôt qu’un suicide médical ». D’autres sont plus fermes et insistent sur le fait que « ce n'est pas le rôle du médecin ». Certains vont jusqu’à comparer l’acte à un « homicide volontaire ». « Je ne supporte pas l'idée. J'ai l'impression que ce serait commettre un crime ».

Mais 2 médecins sur 5 y sont favorables, certains estimant que « la France a trop de retard sur ce sujet » et qu’il faudrait « s'inspirer de ce qui existe ailleurs ». D’autres l’envisagent pour eux-mêmes : « je l'ai prévu pour moi », déclare un médecin d’urgence.

Les médecins américains sont beaucoup plus nombreux (56 %) à soutenir la légalisation de l’euthanasie active que leurs homologues français et allemands, ces derniers étant les plus réticents (44% y sont opposés).

*suicide médicalement assisté – terminologie utilisée dans le questionnaire soumis aux médecins allemands, français et américains

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Lorsque le patient n’est pas en stade terminal et qu’il pourrait vivre encore plusieurs années, les médecins français sont alors moins en faveur d’une légalisation de l’euthanasie (26%). Il s’agit d’une « décision très difficile à prendre, même pour une commission pluridisciplinaire ». Certains suggèrent « d’y regarder de plus près : beaucoup de gens souffrent par incompétence sur la prise en charge de la douleur... ». Il ne faudrait pas agir « par méconnaissance des méthodes thérapeutiques antidouleur (hypnose, morphiniques, etc.) ».

Mais après « épuisement de toutes alternatives potentielles », c’est encore une fois « la volonté du patient » qui prévaut pour 28% des répondants, avec une marge plus élevée chez les hommes que les femmes.

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Comparativement à leurs homologues étrangers, une plus grande proportion de médecins français accepterait d’emblée de rediriger les ressources vers un patient plus jeune. Les praticiens allemands agiraient plutôt au cas par cas et les américains seraient majoritairement opposés à cette option.

En France, deux mondes semblent cohabiter : pour des médecins généralistes, la « situation ne devrait jamais se produire ». Incrédules, certains déclarent : « nous sommes en France (et en Europe), pays (encore) fortement humain et civilisé !... Je ne peux y croire ». Une gynécologue y voit « un faux problème ».

Le son de cloche est bien différent chez les médecins d’urgence : « Nous le faisons tous les jours au SAMU dans la recherche de places en REA, vu la pénurie de moyens » ; « Il m'est arrivé... lorsque je faisais du SAMU, de me retrouver dans des situations difficiles (p. ex. 4 blessés graves en état de mort imminente) et un seul médecin sur place. Dans ces cas-là, nous sommes effectivement SEULS avec notre conscience... »

Pour d’autres spécialistes, l’âge n’est pas le facteur primordial. Un cardiologue explique : « Ce n'est pas l'âge chronologique qui doit nous motiver, mais le potentiel d'efficacité de l'intervention. » Pour un neurologue, « on choisit toujours celui qui est récupérable, qu'il soit jeune ou vieux ». 

Les termes de médecine de guerre et de catastrophe sont plusieurs fois évoqués pour justifier la possibilité de « trier » les patients selon l’âge. Et dans le cas des greffes d’organes, certains sont convaincus que « c'est ce qui se fait déjà ».

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La moitié des médecins français ne proposeraient pas un traitement qu’ils refuseraient pour eux-mêmes. Dans leurs commentaires, ils insistent sur l’importance de bien expliquer les bénéfices et les risques au patient, et de lui laisser la liberté de décider.

La chimiothérapie est plusieurs fois citée pour expliquer pourquoi le praticien pourrait effectuer une procédure sur un patient et non sur lui-même. Ainsi, un oncologue témoigne : « Je refuserais des traitements par exemple oncologiques dans certaines situations métastatiques, alors que la majorité des patients les réclame vivement… »

À la différence de leurs confrères français, les médecins allemands sont plus réticents à refuser un traitement qui ne leur conviendrait pas personnellement (31%). Pour certains, « leur préférence personnelle ne devrait pas avoir d'importance ; la décision incombe toujours au patient ». D’autres commentent ironiquement qu’il est « notoire que les médecins sont les pires patients »…

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La majorité des médecins français ne s’engageraient pas dans une relation amoureuse ou sexuelle avec un patient ou un membre de la famille du patient. La situation est décrite comme éthiquement « inacceptable » dans plusieurs commentaires. Pour être envisageable, une liaison ne pourrait avoir lieu qu’après abstention de toute relation thérapeutique.

Un médecin généraliste commente : « Il y a un risque important que le patient confonde l'attitude professionnelle du médecin (écoute, empathie…) avec la réalité de sa personnalité. La relation repose donc initialement sur un malentendu… »

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Près des deux tiers des médecins français donneraient l’alerte si un confrère n’était plus en état d’exercer. Les spécialistes et les hospitaliers sont plus susceptibles d’effectuer un signalement que les médecins généralistes ou ceux exerçant en cabinet. La plupart indiquent qu’ils parleraient d’abord à leur collègue avant d’agir auprès du Conseil de l’Ordre. Ceux qui hésitent, se demandent bien « à qui le signaler ? »

En 2014, seulement 1 médecin français sur 4 était de cet avis. En 2017, leur opinion se rapproche donc de celle de leurs confrères américains chez qui le doute a peu de place : il faut signaler. Les médecins allemands préfèrent quant à eux agir directement auprès de leur collègue et n’informer les autorités « qu’en dernier recours ».

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Une proportion importante de médecins français (46%) estiment qu’ils devraient faire l’objet de contrôles aléatoires sur leur consommation d’alcool ou de drogue. Certains sont catégoriques : « Nous sommes une profession qui se doit d'être irréprochable ! ». D’autres le conçoivent pour certaines spécialités seulement (comme les anesthésistes et les chirurgiens à l'entrée d'un bloc opératoire) et si « ces contrôles aboutissent à une orientation vers le soin ».

Dans leurs commentaires, plusieurs médecins estiment que s’ils en viennent à être surveillés, les autres professions à responsabilité (policiers, pompiers, politiciens, pilotes d’avion etc.) devraient l'être également.

À l’inverse, pour certains praticiens « la multiplication des contrôles n'arrange pas les choses » et aboutit à « la suspicion et la délation ». Pour un psychiatre, il s’agit « d’une proposition monstrueuse ! ». Un avis partagé par la majorité des médecins allemands qui sont nombreux à craindre une « suspicion générale » et une « perte de confiance vis-à-vis de la profession ». Les américains sont quant à eux très partagés sur la question : 2/5 pour, 2/5 contre.

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Pour la très grande majorité des médecins français, travailler avec un homme ou une femme n’a pas d’importance. Beaucoup rappellent que ce qui compte, c’est la prise en charge du patient, et non pas le sexe auquel appartient le confrère. Si préférence il y a, elle est plutôt liée « à la personnalité »…

Les praticiens allemands étaient globalement du même avis que les français, même si un peu moins (77%) précisaient que la différence de sexe n’avait aucune importance.

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Plus de 60% des médecins français estiment qu’accepter des invitations à dîner ou être rémunéré comme orateur par l’industrie n’a pas d’impact sur leur prescription. Cette proportion est encore plus élevée que lors de notre précédent sondage (en 2014), dans lequel 47% des praticiens avaient alors répondu « oui ».  Beaucoup estiment avoir « suffisamment d'expérience, de recul et de curiosité pour croiser toutes les données », leur « liberté de prescription ne tenant compte que de l'intérêt du patient ».

Ceux qui ont répondu « non », sont plus sceptiques : « Je pense qu'il est difficile de ne pas être influencé, et ce sans même s'en rendre compte ». Pour certains « invitation = soumission » ; « Toutes les études prouvent que ce genre d'invitation influence la prescription... Si ce n'était pas le cas, l'industrie pharmaceutique ne dépenserait pas son argent ! »

D’autres témoignent du dilemme qui se présente à eux : « Je n'aurais jamais pu assister à certains congrès scientifiques sans le soutien financier de l'industrie pharmaceutique... alors que faire?… Il faut simplement signaler ces conflits d'intérêts potentiels, chaque médecin étant responsable de ses choix de prescription ».

Pour certains répondants, les problèmes d’influence se situeraient plutôt en haut de la pyramide, « entre sociétés savantes et industriels, et encore pire, entre les décideurs politiques et les industriels… »

Les relations entre la communauté médicale et l’industrie pharmaceutique sont toujours un sujet d’actualité : alors qu’en juin 2014 était lancé le site Transparence santé, l’AP-HP publiait en mars 2016 un rapport et des propositions pour la prévention des conflits d’intérêts...

Les réponses obtenues dans les autres pays étaient comparables à celles des français. Ainsi, 58% des médecins allemands et 62% des américains estiment ne pas être influencés par l’industrie dans ce contexte.

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Un médecin français sur 5 admet de ne pas avoir signalé un cas de violence conjugale. Les raisons invoquées sont de trois ordres :

  1. Le refus du/de la patient(e). À noter que dans ces situations, le médecin doit tout de même établir un certificat à joindre au dossier médical.
  2. Pour « préserver la cohésion familiale ». Plusieurs médecins disent ne pas intervenir « surtout quand un couple a des enfants » ou pour « sauver la survie de la famille et donner une chance aux enfants ». Des études ont pourtant montré que la violence conjugale a un impact sur la santé mentale des enfants qui en sont témoins. Ils sont également plus à risque d’être eux-mêmes victimes d’abus.
  3. La lourdeur du processus. « Le principal frein, c’est la procédure », témoignent-ils. Un médecin d’urgence reconnaît avoir abandonné après 1 heure de tentative d'appel à la Cellule de Recueil d’Informations Préoccupantes (CRIP) ; « les services sociaux n’ont pas toujours une attitude appropriée » et il y a une « mauvaise organisation et gestion administratives pour le signalement anonyme », souligne un endocrinologue hospitalier.

Les praticiens plus jeunes et les généralistes ont plus tendance à ne pas intervenir, mais la très grande majorité des médecins (80%) effectuent les signalements. Ne pas le faire serait pour certains « un manquement grave », même si beaucoup déplorent le manque d’efficacité dans le suivi. « J'ai toujours signalé, même si [cela] n'a jamais sauvé la victime, les administrations compétentes (justice, service social…) ayant toujours un temps de retard dans la procédure », témoigne une médecin généraliste.

Les difficultés liées à la procédure impactent les décisions futures des praticiens : « J'ai fait un signalement et j'en reste très éprouvée car cela n'a pas abouti et cela a été très difficile à gérer avec la famille... je risque d'hésiter très fortement la prochaine fois » ; « cela m’a valu des soucis dans ma pratique professionnelle ; ensuite on hésite à 2 fois avant de s’aventurer sur ce terrain ». Il reste donc très difficile pour les médecins français d’intervenir dans les cas de violence conjugale.

Comparativement à leurs confrères français et allemands, les médecins américains sont significativement moins nombreux à s’abstenir.

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Très peu de médecins déclarent avoir été confrontés à une situation où le patient était victime de la traite des humains, que ce soit en France ou en Allemagne, et n’ont donc pas eu à enquêter. On estime pourtant à 30 millions le nombre de personnes soumises à ce type de trafic à travers le monde. Alors que les médecins sont des intervenants de première ligne, ils semblent ne pas reconnaitre les signes de la traite des personnes. Ainsi, selon des données américaines, 87% des victimes rescapées de la traite avaient déjà rencontré un professionnel de santé au moins une fois durant leur captivité, mais n’avaient pas été reconnues comme victimes.

En 2015, dans un Avis de la commission de l’environnement et de la santé publique sur la lutte contre la traite des êtres humains, l’Union Européenne soulignait « l’importance du rôle des médecins » dans cette situation et « s'inquiétait du fait que, pour l'instant, il s'agit d'une occasion d'intervention manquée ». Il y est noté « la nécessité de former la communauté médicale à la détection d'indicateurs de trafic d'êtres humains et aux procédures de signalement ».

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Lorsque le patient est un nouveau migrant ou un réfugié, plusieurs obstacles peuvent se présenter en consultation. La barrière linguistique est de loin ce qui impacte le plus la prise en charge (en particuliers chez les médecins allemands). Beaucoup témoignent d’un nombre insuffisant d’intervenants et surtout de traducteurs. Un médecin d’urgence français explique : « Malgré le registre de traducteurs bénévoles de l'hôpital, on ne dispose pas de tous les dialectes, et même avec traducteur on a parfois du mal à se comprendre ». Une pédiatre ajoute qu’« il faut parfois faire du théâtre pour pouvoir s'entendre et se comprendre ».

Le deuxième grand défi sont les particularités culturelles et religieuses, comme le refus de certains malades d’être pris en charge par une femme, ou le rejet de la transfusion sanguine de la part des patients témoins de Jéhovah.

La présentation clinique constitue un défi auquel les médecins sont moins souvent confrontés.

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Un tiers des médecins français refuseraient d'effectuer un avortement pour des raisons morales et/ou religieuses. Ne pratiquant pas l’IVG dans leur spécialité, beaucoup de répondants se disent « non concernés » par la situation. Dans leurs commentaires, les médecins insistent sur le respect de leur liberté de conscience.

Pour 45 % d’entre eux, la répétition de la clause de conscience en haut de l’article 8 sur l’IVG est justifiée. « Plutôt deux fois qu'une ! » commente une gynécologue, qui ajoute : « pourquoi un médecin ne devrait-il pas avoir des principes religieux ? Sommes-nous des robots sans émotions ni sentiments ? ». D’autres ne semblent tout simplement pas être au courant de l’existence de la double clause.

En janvier 2017, le Haut Conseil pour l’Égalité appelait les pouvoirs publics à supprimer la « double » clause de conscience précisée dans l’article L.2212-8 du Code de la santé publique, puisque « la possibilité de recours à la clause de conscience est déjà accordée de manière générale à tout le personnel soignant pour l’ensemble des actes médicaux ». Il existe donc un « deuxième pare-feu » spécifique à l’IVG qui contribuerait à stigmatiser cet acte médical.

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Un praticien français sur cinq admet avoir été influencé par ses croyances religieuses. Les hommes, les médecins généralistes et ceux exerçant en cabinet étaient plus nombreux à répondre positivement. En Allemagne, c’était le cas pour un médecin sur trois.

Mais pour la grande majorité des médecins, la religion n’a pas sa place en médecine. « Un cadre médical n'est pas un lieu de culte religieux... ». Un anesthésiste précise : « Je ne confonds pas ma décision personnelle (ce qui implique ma liberté de conscience) et ma décision médicale (ce que je fais pour le patient) : s’il y a conflit, je me retire ».

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