
Enquête : enjeux de société et pratique médicale
Accès aux soins, changement climatique, droits sexuels et reproductifs, inégalités raciales, immigration, violences conjugales, toxicomanie… Comment les médecins perçoivent-ils les enjeux de société les plus marquants de notre époque ? Ces enjeux ont-ils un impact sur leur pratique, leur carrière et leur vie personnelle ? Plus de 500 praticiens français ont répondu à ce nouveau sondage de Medscape.
Enquête : enjeux de société et pratique médicale
Actuellement, l’accès aux soins représente l’enjeu de société le plus important pour près de la moitié des médecins ayant répondu à ce sondage. Les praticiens plus âgés (> 45 ans) et les hommes étaient significativement plus nombreux à désigner cette problématique comme la plus importante, comparativement aux praticiens plus jeunes (50 % contre 32 %) et aux médecins femmes (53 % vs 42 %).
Pour un quart des médecins, c’est le changement climatique qui domine les autres enjeux par son importance. Viennent ensuite les violences conjugales et intrafamiliales (8%), la consommation de drogues (4 %) et la politique migratoire (4 %).
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Pour la grande majorité des praticiens (88 %), l’accès aux soins est l’enjeu qui suscite chez eux le plus d’inquiétude, suivi de près par le changement climatique (76 %), les violences conjugales (71 %) et la politique d’immigration (60 %). Dans leurs commentaires, ils citent également d’autres sources d’inquiétude comme le pouvoir d’achat, la perte de la biodiversité, la situation géopolitique mondiale, les droits de l’enfant ou les conditions de travail.
Lorsqu’ils sont interrogés sur leur ressenti vis-à-vis des principaux enjeux de société actuels, la moitié des médecins décrivent de la colère ou de l’anxiété. Ces problématiques provoquent du stress chez un quart d’entre eux, et plus particulièrement chez les femmes (32 %). Celles-ci sont également plus nombreuses à déclarer être anxieuses (56 % contre 41 % chez les hommes).
Seule une minorité de praticiens (4 %) se disent indifférents à ces enjeux de société.
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Les enjeux de société (racisme, sexisme ou toxicomanie…) ont-ils un impact direct sur la pratique des médecins ? Près de la moitié des médecins interrogés répondent par l’affirmative. Dans les commentaires, de nombreuses femmes médecins se plaignent de subir du sexisme et de la misogynie. « La discrimination homme/femme a eu un impact majeur sur ma vie professionnelle », indique une praticienne spécialisée en médecine préventive, alors qu’une généraliste affirme prôner au quotidien l’égalité des sexes. « Cela me désespère ».
Concernant la toxicomanie, « les drogues illégales ou légales (alcool, tabac) qui sont à l'origine de nombreuses pathologies », ont un impact majeur sur l’activité médicale, rappelle un généraliste. Une toxicomanie qui s’accompagne souvent de violences : un psychologue précise qu’il doit avoir recours à un vigile à son cabinet pour s’en prémunir.
Les violences subies par les médecins sont d’ailleurs évoquées à plusieurs reprises. « Manque de respect », « insultes, voire violences physiques » affectent la pratique médicale. Un psychiatre rapporte aussi des comportements racistes récurrents vis-à-vis de collègues. « Le racisme reste omniprésent, y compris en salle d’attente », témoigne un médecin généraliste, qui parle également de personnes LGBT+ marginalisées en milieu rural. « La tolérance globale de notre société régresse », estime-t-il.
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Trois médecins sur quatre (73 %) indiquent que les problèmes d’accès aux soins ou ceux liés au changement climatique les affectent personnellement, eux ou leurs proches. Ils sont également 11 % à indiquer qu’ils sont ainsi touchés directement ou indirectement par les politiques migratoires, les violences conjugales et intrafamiliales ou les discriminations raciales. « Violence au travail », « stress au travail », « dysfonctionnement de l’hôpital public », « dégradation du système de santé publique », tels sont les autres enjeux d’importance cités en commentaire par les médecins concernant l’impact sur leur vie personnelle.
En réaction à ces problématiques, les deux tiers des répondants disent avoir pris des initiatives. Quasiment la moitié (46 %) déclarent avoir déjà aidé à collecter des fonds ou fait des dons à un organisme impliqué dans la lutte contre les problèmes sociaux ou environnementaux. Ils sont tout aussi nombreux à être passés directement à l’action, en participant à des manifestations ou à des rassemblements (26 %) ou en étant bénévoles pour aider des personnes confrontées à des problèmes sociaux (20 %).
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La grande majorité des médecins voient dans le changement climatique « une menace d’ordre majeur pour l’humanité », qui doit devenir « une priorité absolue » dans tous les pays. Une opinion qui s’exprime encore plus fréquemment chez les femmes, quasi unanimes à ce sujet comparativement aux hommes (93 % contre environ 80 %).
Deux médecins sur trois (62 %) considèrent que le changement climatique a un effet direct sur la santé de leurs patients et ils sont tout autant à estimer que la France n’en fait pas assez pour lutter contre le réchauffement climatique.
Seuls 11 % des praticiens ayant répondu au sondage estiment que les dangers liés au changement climatique sont surestimés. Cette fois, ce sont surtout des hommes qui ont cet avis (15 % contre 7 %).
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« Je suis très frappée, dans l'exercice de ma profession, par l'effet de cette perspective apocalyptique sur la santé mentale de tous, et particulièrement des enfants et des ados qui s'angoissent pour leur avenir », témoigne en commentaire une psychiatre exerçant en cabinet, qui se désole au passage de l’inaction des gouvernements. « Nous savons ce qu’il faut faire et nous ne le faisons pas ». Un avis partagé par une autre praticienne anesthésiste : « Combien de renoncements lors du précédent quinquennat ? »
Certains évoquent une indifférence, voire un « déni ». D’autres appellent à un sursaut : « Il est temps de se réveiller, alors que les alarmes existent depuis la fin du XIX° siècle ! », « rien ne devrait passer au-dessus dans les priorités ».
Si les actions individuelles sont considérées comme un moyen d’améliorer la situation, des médecins estiment que seule l’action des gouvernements peut réellement avoir un impact sur le réchauffement climatique. « Tout ce qui est individuel concernant la prise en charge du changement climatique est voué à l’échec. Ce n'est qu'une concertation mondiale qui nous permettra de ralentir notre disparition », commente un cardiologue.
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Au cours des cinq dernières années, la grande majorité des médecins interrogés (85 %) ont constaté une augmentation du nombre de patients confrontés à des difficultés d’accès aux soins ou aux services médicaux
Les raisons de cette dégradation ? Le manque de personnel et la désertification médicale pour 44 % des répondants. La détérioration de l’organisation des soins est ensuite l’hypothèse la plus citée (28 %). Le manque d’investissement financier est également pointé (14 %). L’ensemble de ces facteurs réunis sont en cause, estiment plusieurs praticiens. S’y ajoutent « l’épuisement, le découragement des soignants » ou encore « une augmentation des besoins et une surconsommation de soins ».
En commentaire, une psychiatre rappelle l’impact du « manque de médecins » et de « la multiplication des tâches administratives », tandis qu’un anesthésiste met en cause « le refus des médecins de ville d’assurer la continuité des soins ». La pression de la rentabilité est également évoquée : « la santé est devenue un commerce et non plus une éthique ».
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Lorsqu’ils sont interrogés sur l’évolution de la qualité des soins, les praticiens sont là encore en grande majorité (81 %) à faire le même constat : en cinq ans, celle-ci s’est nettement dégradée en France.
La détérioration de l’organisation des soins est en cause pour un tiers des répondants (36 %), tandis que 21 % considèrent que le manque de personnel est la cause majeure de cette situation. Sont également pointés le manque d’investissement financier public (16 %) et la charge de travail du personnel soignant (12 %). En commentaire, beaucoup accusent le poids de l’administration, un « management défaillant », mais aussi un « épuisement du personnel », consécutif à une « insuffisance de moyens et de personnels soignants ». Une psychiatre estime que la médecine a progressé « au détriment du relationnel, du temps et de l'attention à accorder au patient ».
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Invités à s’exprimer sur ces difficultés croissantes d’accès aux services médicaux qui vont de pair avec la baisse de la qualité des soins, les praticiens soulignent plus particulièrement une incohérence entre la hausse des besoins et la diminution des investissements, tout en pointant le poids de l’administration.
« Les besoins de soins depuis quelques années ont augmenté du fait de l'arrivée des baby-boomers », qui s’avèrent « très demandeurs de soins, plus que les personnes âgées de la génération précédente », souligne une oncologue. Selon un médecin généraliste, « il va falloir changer les mentalités » et responsabiliser les patients. « Le soin n’est pas un produit de consommation ! ».
La nécessité d’augmenter les revenus et les effectifs médicaux et paramédicaux est souvent évoquée. Un médecin du sport propose de « payer les médecins, non plus à l’acte, mais à la qualité des soins en évaluant leur pratique », mais aussi « bien mieux payer les infirmières et les autres paramédicaux de l’hôpital et du libéral ». Pour un autre praticien, « reconnaître la qualité du travail de tous les soignants », est une priorité. « Depuis 20 ans les salaires hospitaliers ont stagné. Ce n'est pas le Ségur qui peut rattraper cela [la mise en application des accords du Ségur de la santé, signé en 2020 vise notamment à revaloriser les salaires des professionnels de santé, ndlr]. Il faut augmenter les salaires d'au moins 50 % », estime pour sa part un diabétologue.
Selon un pneumologue, le secteur hospitalier est aussi en cause dans la dégradation des soins. « Le système est très hospitalo-centré avec un hôpital public devenu très lourd et peu performant ». Celui-ci a conduit à marginaliser « le secteur associatif, le secteur privé et le secteur libéral qui souffrent maintenant de déficits importants de personnel soignant ». D’autres accusent la tarification à l’activité (T2A) et « la politique menée depuis 30 ans » d’être à l’origine des difficultés rencontrées aujourd’hui par le secteur hospitalier.
Le fonctionnement administratif du secteur hospitalier est souvent pointé du doigt. « Il faut faire des réformes de sorte que les médecins et le personnel soignant puissent gérer l’hôpital par eux-mêmes », estime un urgentiste. D’autres regrettent l’influence trop importante des membres de l’administration, « qui n’ont aucune expérience et connaissance du terrain ». Un cardiologue fustige pour sa part « la toute-puissance des ARS [Agence régionale de santé] (…) et des directions hospitalières (…) qui n'ont qu'un seul objectif : diminuer la dépense publique quoi qu'il en coûte ».
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En France, la lutte contre les inégalités raciales a fait d’énormes progrès. Tel est l’avis de 61 % des médecins ayant répondu au sondage. Néanmoins, des efforts restent à faire selon une part encore plus importante de praticiens (71 %), en raison d’inégalités raciales persistantes. Plus de la moitié s’accordent sur le fait que les individus sont considérés différemment en France selon leurs origines ethniques et la couleur de leur peau.
En revanche, en se limitant au secteur médical, plus de la moitié des praticiens (58 %) estiment que les patients ne sont pas pris en charge différemment selon leurs origines ethniques ou leur couleur de peau. À noter qu’un médecin sur cinq est d’avis contraire.
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Si la majorité des médecins n’ont pas observé personnellement de discriminations raciales à l’encontre de leurs patients, ils sont tout de même 19 % à avoir été témoin de ce type de comportement. Une part similaire de praticiens a également constaté des discriminations raciales visant le personnel sur leur lieu de travail.
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Les commentaires laissés par les médecins montrent des avis très partagés sur la question du racisme en France. Certains considèrent le problème comme marginal, comme cette femme gynécologue exerçant à la Réunion, qui préfère parler de « comportements inadéquats », plutôt que de racisme. « Le racisme est un phénomène universel. En France, je trouve qu’il est peu important », estime pour sa part un médecin généraliste.
D’autres estiment que le racisme est endémique. « Il s'agit d'un problème enfoui dans les consciences et pour lequel la culpabilité collective est importante », commente un néphrologue. Selon une psychiatre d’Occitanie, « le racisme en France, particulièrement anti-musulman, est d'autant plus difficile à éradiquer qu'il se dissimule sous un vernis de prétendu universalisme et bénéficie d'une perversion du concept de laïcité ». Une radiologue exerçant en Nouvelle-Aquitaine abonde : « Jamais le racisme et la xénophobie n’ont été aussi présents à ma vue ces 15 dernières années ».
Pour beaucoup, la situation s’est toutefois améliorée. « Il reste à faire, mais la situation n'est pas si mauvaise », estime un radiologue. Selon un médecin généraliste, « il s'agit surtout de faire évoluer les mentalités, la République s'étant tout de même bien améliorée sur le sujet ». Un autre généraliste redoute une exagération et ses travers. « Il ne faudrait pas basculer vers la victimisation systématique des minorités et la discrimination positive ». De manière plus marginale, des médecins préfèrent souligner le « racisme anti-blanc » dont ils sont victimes, une forme de discrimination « trop souvent banalisée », estime un médecin généraliste exerçant en Bretagne.
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Au début de l’année 2022, a été adoptée la loi visant à allonger de deux semaines le délai légal de recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui passe de 12 à 14 semaines. Près de la moitié des médecins approuvent cet allongement (45 %), tandis que 10 % estiment qu’il aurait fallu aller encore plus loin en autorisant un délai de 18 semaines, à l’image de la Suède.
Un quart des répondants se disent contre cet allongement en raison du risque accru de complications ou de recours à des manœuvres chirurgicales. 5 % des médecins interrogés déclarent être « contre » l’IVG en général.
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Concernant la gestation pour autrui (GPA), près de la moitié des praticiens (44 %) sont contre son autorisation en France, tandis que 28 % y sont favorables, à condition de la limiter aux cas d’infertilité. En revanche, 1 praticien sur 4 estime que cette option de procréation médicalement assistée devrait être accessible à tous.
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« Il n'y a pas de droits reproductifs : la reproduction est une fonction naturelle de l’humain », « avoir un enfant n’est pas un droit », « je ne pense pas que la parentalité soit un droit »… les commentaires laissés par les répondants laissent apparaître à plusieurs reprises une remise en question de la notion même de droits reproductifs. « À quel titre pourrait-on revendiquer un droit à se reproduire ? La reproduction est un fait naturel et non pas un droit acquis ou à acquérir », s’exclame également un cardiologue. Rappelons que selon l’OMS, des droits sexuels et reproductifs comprennent notamment « le droit de décider du nombre d'enfants que l'on souhaite avoir et de l’espacement de ses grossesses. »
Les réactions négatives concernent surtout la GPA, accusée d’ouvrir la voie à une « marchandisation du corps » ou à « une exploitation du corps de la femme ». « Je m'inquiète des dérives consuméristes presque inévitables de la GPA. L'être humain ne doit pas être un produit de consommation », estime un addictologue. Selon un médecin du sport, il faut « interdire la gestation pour autrui, qui n’est rien d’autre qu’un asservissement de la femme », pouvant amener à « des traumatismes psychologiques majeurs ». Certains se montrent toutefois favorables à la GPA, à condition qu’elle soit « très réglementée », précise une psychiatre.
Concernant l’IVG, l’allongement du délai à 14 semaines laissent craindre une résistance de la part des praticiens. « Peu de médecins vont s'impliquer dans la pratique d'IVG entre 12 et 14 semaines d’aménorrhée [SA] », estime une gynécologue. « De nombreux médecins impliqués de longue date dans la pratique de l'IVG avant 12 SA, vont cesser cette activité si elle leur est imposée. »
D’autres s’inquiètent d’une perte des droits à l’IVG, à l’image de ce qui s’observe actuellement aux États-Unis. « Nous devons tout faire pour mettre en place une législation qui protège les droits reproductifs des femmes, si durement acquis », affirme une psychiatre.
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Pour ce qui est de l’immigration, les avis sont très partagés. D’un côté, 37 % des médecins considèrent que la politique actuelle d’immigration n’est pas assez restrictive. Ce sont surtout les hommes qui affichent cet avis (45 %, contre 25 % chez les femmes). D’un autre côté, 21 % estiment qu’elle est trop restrictive, tandis qu’elle est perçue comme appropriée pour 16 % des répondants. Preuve que le sujet est clivant : plus d’un quart des médecins (26 %) préfèrent ne pas se prononcer, en particulier les femmes (37 %, contre 17 % d’hommes).
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L’accès aux soins pour tous, qu’importe son origine et son parcours, reste une valeur fondamentale pour la majorité des médecins. Trois-quarts d’entre eux (74 %) affirment qu’ils sont d’accord sur l’idée de s’assurer que les migrants et les étrangers en situation irrégulière reçoivent une prise en charge médicale adéquate. Un avis plus souvent partagé par les hommes que par les femmes (86 % contre 65 %).
Pour plus de la moitié des praticiens (59 %), les dispositifs actuels de l’aide médicale d’État (AME) sont suffisants pour prendre en charge des patients avec un statut de réfugiés. Un médecin sur quatre n’a pas d’avis sur le sujet.
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« Mieux vaut ne pas donner son opinion », affirme un médecin généraliste. Si le sujet de l’immigration et du droit d'asile suscite effectivement une certaine réserve de la part des médecins au vu du peu de commentaires laissés, certains en ont tout de même profité pour exprimer leur soutien à l’aide médicale d’État (AME). « Régulièrement confronté à des patients bénéficiant de l’AME, il faut constater que son maintien ou un système équivalent sont indispensables », souligne un pneumologue. « Proposer des soins aux migrants pour leur pathologie importée, c'est protéger notre propre population », précise un médecin orthopédiste. Les critiques restent toutefois nombreuses : « L'AME est largement détournée de ses objectifs initiaux. Actuellement, c'est un guichet ouvert sans contrôle », estime un gynécologue, quand une médecin généraliste affirme que « trop de patients en situation illégale sur le territoire français bénéficient de soins gratuits ».
Certains se plaignent également d’une hausse des demandes de prise en charge, non compatible avec une bonne qualité des soins. « Ce sont des patients qui demandent beaucoup de temps et d’attention », en raison de la barrière de la langue, d’un état de santé souvent dégradé et d’un profil poly-pathologique, souligne un médecin généraliste. Un avis partagé par un médecin spécialisé en prévention : « Je suis pour une immigration régulée qui permette d'accueillir correctement ces personnes. »
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Seuls 8 % des médecins affirment avoir observé des discriminations envers les patients LGBT+ sur leur lieu de travail. En faisant la distinction selon l’âge des répondants, les moins de 45 ans sont plus nombreux à avoir été témoins de ces discriminations (19 %, contre 6 % chez les plus de 45 ans).
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Les personnes LGBT+ sont-elles encore victimes de discriminations en France ? Un peu plus de la moitié des médecins (57 %) répondent par l’affirmative. Si des progrès restent à faire, ils sont tout autant à affirmer que les membres de cette minorité ont désormais les mêmes droits que les autres. Reste que les médecins ont des difficultés à se prononcer sur le sujet, puisqu’un quart d’entre eux se disent ni en accord, ni en désaccord, sur ces questions.
S’agissant de la prise en charge de la dysphorie de genre et du changement de sexe, les praticiens se montent encore plus circonspects. La moitié ne savent pas se prononcer sur cette question. Un peu plus d’un quart des répondants (27 %) estiment néanmoins que cette prise en charge est insuffisante, une part légèrement supérieure à celle des médecins qui pensent le contraire. Les avis sont plus tranchés en ce qui concerne l’usage de bloqueurs d’hormones ou d’hormones du sexe opposé chez les mineurs sans autorisation des parents : ils sont 70 % à être contre.
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Dans les commentaires, les praticiens soulignent les progrès réalisés en faveur des personnes LGBT+, une population désormais « reconnue et acceptée dans les mœurs de notre société française », affirme un médecin urgentiste. « Je pense que de gros progrès ont été faits en France sur ce sujet encore très tabou il y a 20 ans », ajoute un médecin généraliste, qui estime que « les LBGT+ sont actuellement nettement mieux intégrés dans la société », tout en considérant que « des progrès restent bien sûr à faire ».
La prise en charge de la dysphorie de genre et le changement de sexe sont des sujets nettement plus sensibles, surtout lorsque les adolescents sont concernés. « Il semble y avoir une confusion trop fréquente entre des interrogations adolescentes non exceptionnelles et une dysphorie de genre banalisée, mais en réalité rare », estime un pneumologue, tandis qu’un médecin urgentiste s’inquiète « de voir mettre en application des transformations corporelles chez des patients de plus en plus jeunes ». Selon un psychiatre, « l’épidémie d'une dysphorie du genre chez les jeunes, et qui semble souvent témoigner d'une difficulté identitaire transitoire, doit être entendue sans passage à l'acte précipité ».
Cette crainte d’une transition trop précoce revient régulièrement. Mieux vaut « patienter avant de réaliser des gestes définitifs », estime une médecin spécialisée en prévention, qui associe l’adolescence à l’apparition de « personnalités transitoires ».
Enquête : enjeux de société et pratique médicale
Pour assurer une meilleure protection des victimes de violences conjugales, plus de la moitié des médecins (57 %) se montrent d'accord sur le principe de la levée du secret médical. Ils sont tout autant à estimer que les mesures de lutte et de prévention contre les violences familiales sont insuffisantes et que la prise en charge des victimes n’est pas efficace.
Comparativement à leurs homologues masculins, les femmes médecins sont plus nombreuses à estimer que cette prise en charge est insuffisante (65 % contre 49 %). De même, ce sont surtout les moins de 45 ans qui se prononcent ainsi (74 %, contre 55 % chez les plus de 45 ans).
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Plus d’un médecin sur quatre a déjà signalé à la police ou aux services sociaux des cas de violences conjugales subies par leurs patient(e)s. Plus rarement (3 %), certains sont déjà intervenus de façon officielle lorsque la victime était un(e) collègue de travail.
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Les médecins rappellent dans leurs commentaires que les violences sur les enfants sont aussi très courantes. « J'ai souvent signalé des violences intrafamiliales sur des enfants (violences physiques, abus sexuels, maltraitances psychologiques) », affirme un médecin généraliste, qui souhaite une levée du secret médical pour faciliter les signalements.
Pour un autre praticien cardiologue, les mesures de lutte contre les violences intrafamiliales sont insuffisantes. « La victime et ses enfants doivent pouvoir se signaler facilement sans peur et discrètement », tandis que « l’information sur la violence familiale et l’accès aux moyens d’en sortir doivent être diffusés sur les médias de grande écoute et en permanence », estime -t-il. Selon lui, les personnes qui ont pu sortir du « cercle infernal de la violence » doivent également être encouragées à apporter de l’aide et un soutien aux victimes.
Les moyens déployés restent insuffisants estime une femme médecin spécialisée en prévention, qui précise qu’il existe un « manque de logements d’urgence pour accueillir les victimes ». Une neurologue déplore de son côté « l’inefficacité des procédures, notamment concernant les enfants » et la lenteur du processus après un signalement.
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Si la toxicomanie n’est pas citée comme un des enjeux de société les plus importants en France selon les médecins interrogés, ceux-ci, pour plus d’un quart d’entre eux (27 %), reconnaissent pourtant recevoir souvent des patients consommateurs de drogues et stupéfiants, en particulier les médecins généralistes et les psychiatres (64 % et 28 % respectivement). Près de la moitié en voient occasionnellement.
22 % des médecins (dont un tiers de psychiatres et un tiers de généralistes) estiment que l’épidémie de COVID-19 a contribué à une augmentation du nombre de patients consommant des drogues.
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Concernant la consommation de drogue observée chez les médecins, 1 praticien sur 3 estime qu’elle est fréquente, voire très fréquente. Cette fois, ils sont 32 % à affirmer que l’épidémie de COVID-19 a favorisé la hausse de la consommation de drogues et de la toxicomanie dans la population médicale. Ce sont surtout les femmes qui sont de cet avis (43 %, contre 21 % chez les hommes).
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Difficile d’évaluer la consommation de drogues légales ou illégales chez les soignants, soulignent plusieurs commentaires. « L'incidence des addictions est sans doute sous-estimée dans la population médicale », étant donné que « peu de médecins consultent pour leur propre santé », estime un psychiatre.
Beaucoup de répondants se sont également prononcés sur le cannabis, certains se montrent en faveur d’une légalisation. « La chasse au cannabis n'a plus aucun sens alors que cette consommation s'est très largement répandue à tous les niveaux de la société », souligne un médecin généraliste. « La légalisation de cette substance réduirait considérablement les bénéfices des trafiquants. » D’autres, à l’inverse, s’opposent à toute légalisation. « Il n’y a pas de drogue douce. Il ne faut pas légaliser ni dépénaliser la consommation de cannabis. Les effets secondaires et les conséquences sont dramatiques », affirme une praticienne en médecine préventive.
Enquête : enjeux de société et pratique médicale
La majorité des médecins (77 %) ont déjà abordé des sujets liés à des enjeux de société avec leurs patients. Un praticien sur dix indique que ces échanges ont pu induire des interactions négatives.
Ils sont encore plus nombreux à signaler des répercussions négatives après avoir eu ce type de discussion avec des confrères ou avec la hiérarchie.
Enquête : enjeux de société et pratique médicale
Près de la moitié des médecins (47 %) considèrent que les sociétés savantes et les organisations médicales ne sont pas suffisamment impliquées pour aborder ou résoudre les problèmes de société.
Pour ce qui est de la lutte contre les inégalités des soins liées à l’orientation sexuelle, la religion, le genre ou l’origine ethnique des patients, plus d’un quart des répondants estiment que la communauté médicale ne s’engage pas suffisamment.
Enquête : enjeux de société et pratique médicale
523 médecins exerçant en France et membres des sites Medscape/Univadis ont participé à un sondage en ligne entre le 2 juin et le 15 août 2022. Un peu plus de la moitié était des hommes et la grande majorité étaient âgés de 45 ans et plus.
Dans notre échantillon, 22 % des répondants étaient des médecins généralistes. Les autres spécialités les plus représentées étaient la psychiatrie (10 %), la santé publique et la médecine préventive et médecine du travail (8 %), la médecine d’urgence (5 %), la cardiologie (5 %), la gynécologie (4 %) et la pédiatrie (3 %).
Enquête : enjeux de société et pratique médicale
Près d’un quart des praticiens interrogés exercent en Ile-de- France, et 79 % travaillent à temps plein.
L'enquête comprenait huit parties avec des questions portant sur un enjeu de société spécifique. Les répondants ont été invités de façon aléatoire à répondre à des questions portant sur cinq de ces huit enjeux, à savoir les discriminations raciales (n = 312), les droits sexuels et reproductifs (n = 315), l’usage de drogues (n = 320), l’accès aux soins de santé (n = 320), les droits LGBT+ (n = 295), la violence conjugale (n = 292), les changements climatiques (n = 290) et les politiques d'immigration et réfugiés (n = 322).
*Marge d'erreur à +/- 4,29 %, IC de 95 %. Données non pondérées, recueillies à partir d'un échantillon aléatoire de membres de Medscape et d’Univadis, qui ne sont pas nécessairement projetables sur une population plus large.
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