
Enquête : les revenus annexes des médecins français
Certains médecins exercent une activité* rémunérée en plus de leur pratique, que ce soit dans le domaine de la santé ou non. Quelles sont leurs motivations? Quel est le domaine choisi? Envisagent-ils d’en faire leur activité principale et abandonner ainsi leur carrière en médecine? Medscape a interrogé près de 1200 praticiens français.
*Dans ce sondage, une activité annexe est définie comme un travail à temps partiel pour lequel des revenus supplémentaires sont perçus (ex: témoin expert au tribunal, consultant médical, coach sportif, photographe, etc.). Les revenus fonciers ou d’investissement sont également considérés comme une activité annexe rémunérée.
Enquête : les revenus annexes des médecins français
Un quart des médecins interrogés ont déclaré exercer une autre activité rémunérée, médicale ou non, en plus de leur activité principale. Si l’on ne note pas de différence significative selon l’âge ou les générations auxquelles ces praticiens appartiennent, il ressort que les hommes médecins étaient plus nombreux que leurs homologues féminins à pratiquer des activités rémunérées supplémentaires (29% contre 19% respectivement).
44% des médecins ayant des revenus annexes ont également indiqué que toutes leurs activités rémunérées additionnelles étaient en lien avec le domaine médical.
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La permanence des soins est l’activité annexe la plus souvent rapportée par les médecins ayant décidé d’arrondir leurs fins de mois. Ainsi, parmi ceux qui déclarent avoir un travail annexe dans le domaine médical, 24% l’exercent dans des établissements de santé pour des gardes ou des astreintes. Un choix que font plus fréquemment les hommes que les femmes (29% contre 16% respectivement).
Pour près d’un médecin sur 5, l’activité supplémentaire consiste à donner des conférences, notamment lors de congrès médicaux. Là aussi, les hommes étaient significativement plus nombreux que les femmes à exercer ce type d’activité (26% vs 14%).
La campagne de vaccination anti-COVID a permis de générer des revenus supplémentaires pour près de 14% des médecins avec des activités annexes. Ce sont surtout les praticiens de moins de 45 ans qui en ont bénéficié (27%, contre 12% des 45 ans et +).
La télémédecine (citée par 7% des répondants avec des revenus annexes), était également pratiquée en majorité par les médecins plus jeunes (17% contre 6% des plus de 45 ans).
Les autres activités médicales les plus fréquemment exercées hors cabinet sont l’intervention dans les procès judiciaires en tant qu’expert médical (10%), la délivrance de certificats médicaux et autre évaluation médicale (11%), ou la participation à des blogs, podcasts et rédaction d’articles (7%).
Dans leurs commentaires recueillis en fin de sondage, les médecins concernés rapportent également, mais plus rarement, des activités de consultants pour l’industrie pharmaceutique, pour la régulation du Samu, d’expertise pour une deuxième lecture diagnostique ou ont dit pratiquer l’hypnose.
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Plus de la moitié des médecins (56%) ont déclaré avoir au moins 1 activité rémunérée annexe n’ayant pas de lien avec le domaine médical. Pour la majorité d’entre eux, l’immobilier est le secteur dans lequel ils se sont le plus investis (31% des médecins avec des revenus annexes).
Le consulting est également cité, mais uniquement par les plus de 45 ans. De manière plus marginale, d’autres rapportent des travaux d’écriture, des activités artistiques (artisanat, photographie, musique, etc.) ou encore des activités sportives.
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Les médecins pratiquent leur activité annexe (médicale et/ou non médicale) en moyenne depuis 14 ans. Chaque semaine, ils y consacrent près de six heures, ce qui représente environ 15% du temps dédié au total de leurs activités professionnelles.
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Lorsqu’interrogés sur leur principale motivation à exercer une activité annexe, près d’un médecin sur 10 explique vouloir utiliser ou développer ses compétences. Les praticiens de plus de 45 ans sont significativement plus nombreux à citer cet argument que leurs confrères plus jeunes (32% contre 12%, respectivement).
Si 8% des médecins exerçant une activité annexe considèrent qu’ils le font pour le plaisir plus que pour l’argent, 21% évoquent comme raison majeure la perspective de revenus complémentaires. Plusieurs précisent qu’il s’agit d’un moyen de préparer leur retraite, voire de mettre plus rapidement un terme à leur activité professionnelle. Pour 1 médecin sur 10, cette activité est aussi une manière de préparer une seconde carrière après leur départ à la retraite.
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Au-delà de leur pratique quotidienne, plusieurs médecins ont donc fait le choix de se consacrer à d’autres activités rémunérées, pourtant potentiellement chronophages. Ils expliquent pourquoi :
Être utile : un généraliste de 59 ans souhaite tout simplement « se rendre utile », tout comme ce psychiatre qui effectue des « interventions dans des institutions pour l'enfance en difficulté ». Une généraliste indique travailler « dans un Ehpad depuis 15 ans » dans lequel « il n’y a pas d’autre médecin qui veuille venir… j’y suis attachée affectivement » précise-t-elle « et cela me fait du bien de couper quelques heures le cabinet pour faire autre chose ».
Briser la routine : « Faire autre chose » revient souvent dans les raisons d’exercer un autre travail. Ainsi, un anesthésiste de 64 ans, dont l’activité annexe est l’agriculture biologique, rapporte avoir « beaucoup de plaisir dans la reconnexion avec la nature, en travaillant en site isolé, dans une forêt tropicale ». Un oncologue de 60 ans, lui aussi se dépayse en effectuant des « expertises et remplacements dans des missions, p. ex. en Guyane ou à Saint-Pierre et Miquelon ». Un autre raconte également être médecin dans une équipe de rugby professionnelle.
Transmettre ses connaissances : l’enseignement cumule quant à lui les deux avantages, à savoir l’utilité pour les autres et la satisfaction personnelle. « La transmission du savoir est passionnante, le contact avec les jeunes médecins est très enrichissant », décrit un gériatre de 63 ans. « J'enseigne la neurologie dans une école d'ostéopathie, ce qui oblige à reconsidérer les besoins d'enseignement et les techniques pour cet auditoire qui ne m'était pas familier. Je participe aux choix pédagogiques et cela me dépoussière la cervelle. L’équipe est jeune et dynamique, je me régale! » raconte une praticienne.
« Mon activité d'expert judiciaire et en criminologie complète intellectuellement mon activité principale », indique un psychiatre. Un autre : « Mes études de philosophie, mon écriture, mes voyages, mes activités militantes … me sont d'un secours précieux pour continuer à penser le monde dans lequel nous vivons et pour pallier les frustrations liées à mon exercice médical [où on] ne voit que la rentabilité du soin. »
Arrondir ses fins de mois : la raison principalement invoquée demeure néanmoins pécuniaire. L’immobilier permet de se constituer « un patrimoine » ou de s’assurer des revenus annexes réguliers. Une anesthésiste rapporte : « Je loue un appartement avec Airbnb, je souhaiterais devenir chambre d'hôtes, mais cela demande trop de temps malheureusement. » Le domaine de l’esthétique est également cité. Une dermatologue veut ainsi s’assurer « d’avoir un complément de retraite », et un généraliste indique « pratiquer la médecine esthétique en dehors des consultations médicales ».
Pour certains, comme cette généraliste de 51 ans, la pratique d’une activité annexe est non seulement nécessaire, mais devrait être facilitée : « Mon salaire de base est trop bas pour élever 3 enfants à Paris. Je n’ai donc pas le choix et je travaille en plus les week-ends ou jours fériés pour compléter. Hélas je suis limitée dans les heures du fait du risque de payer la CARMF… C’est dommage de limiter les bonnes volontés alors qu’on manque de médecins en France. Il y aurait un vrai travail à faire pour faciliter les activités accessoires des médecins au vu de la pénurie actuelle. »
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En 2021, les activités annexes ont rapporté 12 000 euros en moyenne (médiane 7 000 euros) aux médecins français interrogés. Ce niveau de rémunération est similaire à celui qu’ils avaient perçu avant 2020, la pandémie de COVID-19 ne semble donc pas avoir eu d’impact sur le montant total de leurs revenus annexes.
Plutôt optimistes, ces médecins espèrent à court terme une hausse de ces revenus annexes allant jusqu’à 15 000 euros par an.
En exerçant leur activité supplémentaire, 21% des médecins déclarent en retirer des avantages fiscaux (déductions, régimes d'épargne à imposition différée, etc.).Enquête : les revenus annexes des médecins français
Comment les médecins réussissent-ils à intégrer une autre activité dans leur emploi du temps? Difficilement. Ainsi, la grande majorité ne bénéficie que de peu (41%), voire très peu (26%), de flexibilité pour disposer du temps nécessaire à leur(s) activité(s) annexe(s).
Seulement un quart des personnes interrogées estiment avoir « beaucoup » de latitude dans leurs horaires, et les hommes bien plus que les femmes (30% contre 12%). 15% des femmes médecins confirment d’ailleurs que leur profession ne leur donne aucune flexibilité pour exercer plus facilement une autre activité (contre 6% chez les hommes).
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La grande majorité (88%) des médecins exerçant une activité annexe s’estiment satisfaits de leur activité professionnelle principale. Constituent-ils un groupe privilégié? Dans nos précédents sondages menés en 2020 et 2021, seulement 41% des médecins interrogés se disaient « heureux » dans leur vie professionnelle et 30% déclaraient même, que si c’était à refaire, ils ne choisiraient pas de nouveau une carrière en médecine.
Exercer un travail additionnel ne constituerait pas néanmoins une échappatoire, puisque plus de la moitié des répondants à ce sondage considèrent que le niveau de satisfaction et d’épanouissement apporté par leurs activités annexes est similaire à ce qu’ils ressentent avec leur activité professionnelle principale. Seul un quart des praticiens en tirent davantage de satisfaction.
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Près des deux-tiers des médecins estiment que leur activité annexe représente une aide dans leur profession, et est donc perçue comme un moyen de développer leurs compétences dans la pratique de la médecine.
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Même si cette activité s’avère satisfaisante pour la majorité des médecins interrogés, plus de la moitié estiment qu’elle pourrait être plus avantageuse, notamment sur le plan économique. Beaucoup se restreignent en évoquant la nécessité de maintenir un équilibre entre vie privée et vie professionnelle (35%), tandis que d’autres considèrent qu’ils n’ont pas suffisamment de temps pour s’y consacrer davantage (36%).
D’autres raisons sont avancées pour expliquer pourquoi certains se limitent dans leur activité secondaire : la fiscalité, les lourdeurs administratives et, pour ceux qui ont investi dans l’immobilier, l’encadrement des loyers ou des problèmes inhérents aux locataires.
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Pour exercer leur activité secondaire, plus de la moitié des médecins ont dû acquérir des compétences supplémentaires, notamment par le biais de cours, de tutoriels ou par la lecture d’ouvrages spécialisés.
Nombreux sont ceux qui précisent avoir passé des diplômes universitaires complémentaires (DIU en expertise médicale/judiciaire, DIU de sexologie, DU de psychiatrie sur les TCC, DU de gériatrie, etc.)
Près d’un quart des répondants ont également sollicité l’aide de coachs ou d’experts en affaires ― en personne (16%) et/ou avec des livres (17%) ― afin d’améliorer leurs compétences et de mettre notamment en place des stratégies dans un but commercial.
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Qu’ils exercent ou non une activité annexe, la grande majorité des médecins ne souhaite pas quitter leur poste actuel pour s’engager dans une carrière non médicale. Seuls 12% (soit 142 sur 1175 médecins interrogés) envisagent de sauter le pas. Parmi ceux-ci, 24% se disent épuisés, surtout les femmes (36% contre 16% des hommes). Les praticiennes sont aussi plus nombreuses à vouloir réduire leur temps de travail (20% contre 14% de leurs confrères). À l’inverse, ce sont surtout les hommes qui avancent l’argument économique, estimant qu’ils auront davantage de revenus avec une carrière non clinique (26% contre 2% des femmes).
« Je suis épuisée par la charge de travail qui ne cesse de s’accroître avec une dévalorisation constante par l’administration », indique en commentaire une urgentiste, qui précise avoir « l’impression de ne plus être considérée pour [son] travail et [ses] compétences ». D’autres évoquent des « mauvaises conditions de travail à l’hôpital public », le poids des contraintes administratives ou la dégradation du système de soins. Ces témoignages rappellent ceux recueillis lors de notre enquête sur le burnout qui touchait près de la moitié des médecins en France.
De façon plus anecdotique, certains, comme ce généraliste de 55 ans, invoque comme raison « l’obligation vaccinale » imposée aux soignants.
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C’est sans regret que plus d’un tiers des praticiens qui envisagent d’abandonner la médecine s’élanceront dans un nouveau parcours. Cela concerne 40% des médecins de plus de 45 ans (contre 18% des plus jeunes).
28% regrettent néanmoins « beaucoup » l’argent et le temps qu’ils ont consacrés à leurs études et à la formation médicale.
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Près d’un tiers des médecins envisageant une nouvelle carrière non médicale visent l’enseignement. Un poste dans une entreprise du secteur de la santé est la deuxième option la plus citée (25% des médecins concernés, dont 31% des hommes et 14% des femmes), tandis que la direction d’un établissent de santé ou une nouvelle carrière dans une entreprise pharmaceutique serait une perspective séduisante pour 13% des répondants souhaitant changer de carrière (17% des hommes et 5% des femmes).
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Pour trouver des carrières non cliniques potentielles, la majorité des répondants ont directement recherché les domaines qui les intéressaient, en passant par internet ou par quelqu’un travaillant dans le secteur en question. Plus des deux-tiers envisagent de se débrouiller seuls, ils ne demanderont pas l’aide d’une tierce personne pour préparer leur CV ou tenter de garantir leurs chances de succès.
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Si près d’un quart des médecins ne s’est pas fixé de date pour opérer le basculement vers une carrière non clinique, cette éventualité se fera pour la plupart rapidement et à court terme : 31% prévoient d’opérer ce changement de carrière dans l’année même, et 25% dans les deux à trois ans à venir.
Cette perspective d’un renouveau professionnel s’accompagne d’un certain optimisme : plus de la moitié se disent « confiants » ou « très confiants » dans l’idée d’y trouver satisfaction.
Dans leurs commentaires, certains médecins ont partagé plus en détails et en toute sérénité les carrières envisagées :
« J’aimerais être expert d’art », déclare une anesthésiste de 57 ans. Un neurochirurgien octogénaire veut se consacrer « au journalisme audio à la radio locale ». D’autres souhaitent s’impliquer totalement dans de l’humanitaire ou considèrent, comme ce néphrologue de 37 ans, qu’il y a une « priorité écologique ».
La médecine peut ainsi mener à bien d’autres vocations…
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1175 médecins exerçant en France et membres des sites Medscape et Univadis ont participé à un sondage en ligne entre le 23 février et le 31 mai 2022. Plus de la moitié était des hommes (64%) et la grande majorité étaient âgés de 45 ans et plus. 75% exercent à temps plein et 22% pratiquent en Île-de-France.
*Marge d’erreur à +/- 5.77%, IC de 95%. Données non pondérées, recueillies à partir d'un échantillon aléatoire de membres de Medscape et d’Univadis, qui ne sont pas nécessairement projetables sur une population plus large.
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Dans notre échantillon, 23% des répondants étaient des médecins généralistes. Les autres spécialités les plus représentées étaient la psychiatrie (10%), l’anesthésiologie (8%), la médecine d’urgence (7%), la cardiologie (5%), la pédiatrie (4%) et la gynécologie (4%).
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