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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Harcèlement moral, discriminations, violence verbale ou physique, actes contraires aux valeurs éthiques…  Les comportements inappropriés* sont de moins en moins tolérés, quel que soit le contexte. Qu’en est-il en médecine ? Que pensent les praticiens du comportement de leurs confrères, au travail et dans la vie privée ? Les attitudes déplacées de certains professionnels de santé ont-elles augmenté ou diminué au cours des 5 dernières années ?

Nous avons interrogé plus de 1000 médecins français qui ont partagé leurs expériences, mais aussi leur opinion sur les attentes de la société vis-à-vis de leur profession.

*Un comportement inapproprié est ici défini comme une attitude non professionnelle ou irresponsable : être irrespectueux envers les patients, les collègues ou d'autres individus. P. ex., être publiquement en état d'ébriété ou vêtu de façon offensante, harceler, tenir des propos à caractère sexuel ou raciste, se moquer des patients ou ne pas tenir compte de la vie privée des patients, etc.

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

À l’instar d’autres professions, la pratique médicale n’est pas exempte de comportements abusifs. Mais si certains médecins peuvent avoir une attitude inappropriée, que ce soit sur leur lieu de travail ou dans leur vie privée, la majorité des répondants à ce sondage estiment que ce type d’agissements n’a pas changé depuis les 5 dernières années, en particulier dans la sphère non professionnelle.

Un peu plus de 20% d’entre eux, et notamment 26% des hospitaliers, ont même observé une diminution de ces comportements inappropriés au travail. Peut-être un effet du mouvement #MeToo et des récentes campagnes contre le harcèlement moral? Ces hypothèses sont évoquées par des répondants dans leurs commentaires, comme ce généraliste de 35 ans qui constate que « la nouvelle génération semble moins sexiste et plus concernée par ces questions. L'esprit carabin est moins développé. »

Pour d’autres, même si ces comportements sont en diminution, ils ont un impact déterminant sur les victimes. Ainsi, une psychologue affirme avoir « quitté l'hôpital public très récemment en raison de la perte du sens éthique des soins et des pratiques abusives inappropriées. »

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

C’est principalement dans le milieu professionnel que les médecins auraient un comportement inapproprié.

Ainsi, au cours des 5 dernières années, plus d’un tiers des praticiens indiquent avoir personnellement subi de tels agissements de la part de leurs confrères. Pour plus d’un quart des médecins, les événements se sont déroulés sur leur lieu de travail. Ce sont principalement les médecins hospitaliers (36%, vs 15% des libéraux) et les plus jeunes (35%, vs 25% des > 40ans) qui en ont été victimes.

Plus de 3 médecins sur 5 ont déjà été témoins de conduites inappropriées de la part d’autres praticiens au cours des 5 dernières années. Ces incidents sont rapportés par près de la moitié des hospitaliers (49%, vs 22% libéraux). Plus d’un tiers des répondants ont observé ces comportements au travail, plus rarement sur les réseaux sociaux (13%) ou dans un contexte non professionnel (12%).

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Près de deux tiers des médecins ont été témoins ou victimes de harcèlement moral sur leur lieu de travail durant leur carrière, un tiers au cours des 5 dernières années.

Le manque de respect vis-à-vis des patients est le deuxième type de comportement inapproprié le plus fréquemment observé, suivi du sexisme et du racisme. La violence physique, envers les patients ou le personnel médical, est également citée par 2 répondants sur 5. Un quart des médecins ont déjà vu un confrère en état d’ébriété ou sous l’influence de drogues au travail.

Les comportements sexistes sont davantage rapportés par les médecins plus jeunes (70%, vs 57% pour les >45 ans) et par les femmes (65%, vs 47% des hommes). Dans un précédent sondage mené par Medscape, une femme médecin sur six rapportait avoir été victime de harcèlement sexuel.

Parmi les autres conduites inappropriées, les médecins rapportent l’agressivité verbale, la grossophobie, le dénigrement du travail des confrères ou la mise en doute de leurs compétences professionnelles. Les actes contraires au code de déontologie, tels que le non-respect du secret médical, le refus de prendre en charge des patients trop âgés, l’abandon de poste ou le « manque d’humanité », notamment au moment de l’annonce du diagnostic, sont également cités.

Dans leurs commentaires, nombreux sont ceux qui ont considéré que les prises de position « anti-vax » et la remise en question des données scientifiques durant la pandémie de Covid-19 constituaient également des comportements inappropriés pour des médecins.

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Le harcèlement infligé par les confrères est le type de comportement inapproprié le plus rapporté dans les commentaires. Les internes en seraient les premières victimes. Ainsi, un anesthésiste a été témoin du « dénigrement public d'un interne lors de transmissions », un autre « d’insultes d’un médecin senior envers de jeunes internes ». Une généraliste confirme que « pendant l'internat, les intimidations et le mépris sont fréquents sur les internes, de la part des chefs. »

Une femme médecin de 41 ans se souvient : « j’ai été secouée par un PH lorsque j'étais interne. Un autre m'a donné un coup de boule pendant une opération. Un autre m'a dénigrée devant un patient. Un autre s'est déshabillé devant moi. Tout ça s'est passé en chirurgie. » Selon cet urologue, « on connaît tous, dans les blocs, des médecins tyranniques… »

Le racisme est également souligné. Un cardiologue rapporte un confrère tenant « des propos racistes envers un de ses patients alors que nous étions en groupe » ; une oncologue dénonce un confrère avec une « attitude de mépris mal dissimulé à l'encontre d'un patient gitan » et une gériatre « un médecin qui a dénigré de façon très raciste une famille d’origine africaine ». Un radiologue se rappelle également « des propos antisémites proférés à l'égard d'un confrère. »

Pour ce médecin du travail, « les comportements sexistes sont permanents, il est donc difficile d'en relater un ». Un urgentiste explique qu’ils « ne sont le fait que de certains médecins, plutôt en fin de carrière ». Une gynécologue relate les propos d’un confrère : « Les femmes [patientes] sont hystériques, geignardes, trop compliquées… ». Un généraliste rapporte le « cas d'un confrère, qui touchait les patientes lors des consultations. On a eu plusieurs remarques, mais jamais de courrier ou de réelle plainte. Il organisait aussi des parties fines avec de jeunes femmes... ». Un autre reproche à « un médecin de se servir de son titre pour draguer en soirée. » Une psychologue dénonce : « un PH m'avait conviée à son cabinet pour l'organisation des staffs à l'hôpital. Il m'a plaquée contre le mur pour m'embrasser. »

Alcool et stupéfiants : Un généraliste raconte le cas d’un confrère « alcoolisé en matinée sur les lieux d'un accident et évacué discrètement… » et un autre « l’ivresse manifeste dans une réunion » de son collègue. Un infectiologue rapporte des « prises de gardes encore sous l'influence de cocaïne et drogues récréatives », alors qu’une neurologue relate la « découverte, dans la chambre de garde, d'une seringue et ampoule de stupéfiant. »

Déontologie : Un orthopédiste dénonce les « indications chirurgicales inappropriées à des fins lucratives » dont il a été témoin, une gastro-entérologue « des détournements de fonds, sur-cotation à la sécurité sociale et facturation d'actes non effectués ». Selon un pédiatre, un collègue aurait rédigé « une lettre anonyme pour calomnier un confrère », d’autres auraient effectué des « appels téléphoniques anonymes avec insultes » à l’encontre d’une ophtalmologue.

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Dans la plupart des cas, les victimes ou les témoins d’actes déplacés soit s’adressent directement à la personne mise en cause, soit s’abstiennent. Les médecins les plus jeunes étaient plus susceptibles de ne pas mener d’action (53%, vs 36% >45 ans), alors que les plus âgés étaient plus nombreux à parler directement à leur collègue dont le comportement était inapproprié (44%, vs 27% <45 ans).

Dans d’autres cas, certains médecins victimes indiquent avoir fait appel à un avocat, porté plainte au tribunal administratif ou effectué un signalement à leur syndicat.

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Si la plupart des médecins souhaitent que des sanctions soient prises à l’endroit des confrères responsables de ces comportements inappropriés, la très grande majorité (87%) n’a jamais vu les praticiens mis en cause être sanctionnés par leur hiérarchie ou les ressources humaines.

Dans leurs commentaires, les répondants suggèrent des méthodes d’intervention plutôt souples : accompagnement psychologique, apprentissage de la bienveillance, commission de conciliation et gestion des conflits pour une entente entre les deux parties, cours de contrôle de la colère/du stress, gradation des mesures selon la répétition des comportements, etc. Beaucoup prônent la discussion, « car bien souvent ils ne s'en rendent pas compte », selon un anatomopathologiste.

D’autres sont cependant pour des sanctions plus sévères, telles que des enquêtes au pénal ou à l’inspection du travail, retrait des responsabilités de chef de service ou de la position hiérarchique.

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

La majorité des médecins ayant des comportements inappropriés sont des hommes (7 sur 9), tel que le rapportent les praticiens qui ont subi ou été témoins de ses actes.

Dans la moitié des cas, les praticiens incriminés étaient des quinquagénaires.*

*À noter qu’en France, près d’un médecin sur trois a plus de 60 ans et 47% des médecins ont 55 ans ou plus. Dans notre enquête, les 50-59 ans représentent 40% de l’échantillon, et les hommes 51%. (Voir la Méthodologie en page 14)

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Un peu plus d’1 médecin sur 8 reconnaît s’être lui-même comporté de manière inappropriée, par erreur ou sciemment, en tant que médecin au cours de l'année écoulée. Les médecins plus jeunes étaient deux fois plus nombreux à l’admettre que leurs confrères plus âgés (22%, vs 11% pour les >45 ans)

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Existe-il des facteurs pouvant contribuer à ce que certains médecins développent un comportement inapproprié ou contraire au code professionnel?

Oui, selon la majorité des répondants qui reconnaissent l’impact du stress au travail (44%), des problèmes liés à la vie privée (40%) mais aussi à la santé mentale (39%) ou à l’éducation familiale/culturelle (38%).

Pour 37% des médecins, l’évolution des mœurs auraient également conduit à un comportement général plus décontracté.

Les patients, qui seraient de plus en plus exigeants, sont mis en cause dans 32% des cas.

Un tiers des praticiens regrettent également que durant les études de médecine, il n’y ait pas suffisamment de formation sur le comportement à adopter lorsqu’on est médecin. Une généraliste de 50 ans suggère de « sélectionner les médecins non seulement sur leur capacité de réflexion, mais aussi sur leur capacité d’empathie, d’écoute et de respect du patient. »

Concernant la crise du Covid-19, 15% pensent que la pression liée à la pandémie a pu influencer les comportements.

Néanmoins, dans leur majorité, les médecins reconnaissent en toute honnêteté que c’est l’arrogance personnelle qui constitue le principal facteur de risque de se comporter de façon inappropriée.

Dans leurs commentaires, les répondants soulignent également l’impact du burnout et de la surcharge de travail, qui peut atteindre « 120 h/semaine pour les chirurgiens » selon une anesthésiologiste. Sont cités également « l’absence de sanction », la « culture de la performance », le « mandarinat » ou le « sentiment de toute-puissance. »

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Un tiers des répondants estiment que la société en général a des attentes ou des standards bien trop élevés concernant le comportement des médecins, un sentiment partagé surtout par les médecins les plus jeunes (51%, vs 30% des >45 ans).

Ils s’accordent toutefois sur le fait que les médecins doivent se comporter conformément à des standards plus élevés que ceux de la population générale. Cet avis est partagé par les trois quarts des praticiens de la génération des babyboomers (75%) contre la moitié des milléniaux (52%).  

Pour cette gynécologue de 67 ans, « en devenant médecin des corps et des âmes, on se doit de servir d'exemple à nos patients et contemporains comme devraient le faire les enseignants, les policiers, les pompiers etc. qui forment le socle d'une société qui rassure les individus et donne envie de suivre le guide. »

D’autres sont plus critiques vis-à-vis des attentes envers les médecins. Ainsi, pour ce généraliste, il y a « une exigence sans fin de patients insatisfaits. Ils exigent plus que ce qu’ils exigent d’eux-mêmes. Le respect est devenu désuet. »

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

La majorité des médecins estiment qu’ils devraient pouvoir agir comme ils l'entendent dans leur vie personnelle.

Pour cette gériatre de 36 ans, « le médecin doit avoir un comportement adapté pendant l'exercice de sa profession. Dans sa vie privée, il doit respecter les mêmes règles que n'importe quel citoyen et n'a plus à porter l'étiquette de médecin qu'il a déjà pendant ces longues heures de travail. »

Un anesthésiste tient à mettre les choses au clair : « Dans ma vie privée, je suis Monsieur et non Docteur, je fais ce que je veux. Aucun compte à rendre tant que ma vie professionnelle est irréprochable. » 

Et pour cette femme, médecin du travail, « la vie privée doit pouvoir ne pas être critiquée quand elle ne condamne personne d'autre. ».

« Un médecin est une personne comme les autres, il se doit de garder une certaine retenue dans son cadre professionnel, mais sa profession ne doit pas le limiter dans sa vie privée qui est, comme le nom l'indique, privée » rappelle une urgentiste de 50 ans.

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Nous avons recueilli les commentaires de nombreux praticiens soulignant un contexte sociétal actuel particulièrement difficile. Le manque de bienveillance toucherait toute la société, difficile donc pour les médecins d’y échapper…

« L’ensemble de la société se comporte mal actuellement, sans valeur, avec grossièreté, agressivité, stupidité absolument ubiquitaire. Dans ce contexte, il n'y a pas lieu de penser que les médecins doivent être des modèles pour le reste de la population, mais seulement qu'ils respectent la déontologie professionnelle », estime un radiologue.

Une chirurgienne de 43 ans questionne : « Comment, dans un système non bienveillant, peut-on le rester facilement? À moins d'avoir une solide éducation derrière soi… Quand on est maltraité, on risque de devenir maltraitant, et d'avoir des comportements inadaptés. »

« Le manque de conscience professionnelle est en augmentation dans toute la société. Il va de pair avec le manque de confiance de la population envers les élites. Ce n'est pas un problème spécifique aux médecins, mais général, qui n'épargne pas les médecins », selon une stomatologue de 62 ans.

Pour cette oncologue de 64 ans, « on doit différencier clairement ce qui relève de la vie privée ― domaine dans lequel les médecins n’ont pas à être jugés par la société ni leurs patients ― et les réseaux sociaux ou les échanges en ligne, où la profession médicale doit garder un comportement guidé avant tout par un raisonnement scientifique et non pas par souci de provocation. »

Voir la suite de ce sondage consacrée au comportement des médecins sur les réseaux sociaux.

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

1077 médecins exerçant en France et membres des sites Medscape/Univadis ont participé à un sondage en ligne entre le 27 octobre et le 17 décembre 2021. Un peu plus de la moitié était des hommes (51%).

40% des répondants exerçaient en hôpital, et 55% étaient salariés. La grande majorité (79%) exerçaient à temps plein.

*Marge d'erreur à +/- 2.99%, IC de 95%. Données non pondérées, recueillies à partir d'un échantillon aléatoire de membres de Medscape/Univadis, qui ne sont pas nécessairement projetables sur une population plus large.

*Milléniaux ou génération Y : 25-39 ans ; Génération X : 40-54 ans ; Baby-boomers : 55-73 ans

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Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?

Véronique Duqueroy | 24 mars 2022 | Auteurs

Dans notre échantillon, 23% des répondants étaient médecins généralistes. Les autres spécialités les plus représentées étaient la psychiatrie (8%), l'anesthésiologie (7%), la médecine d'urgence (6%), la médecine du travail (6%), la cardiologie (4%) et la pédiatrie (4%).

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