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Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
Les femmes représentent aujourd’hui près de la moitié des effectifs en médecine. Existe-t-il des différences dans la pratique professionnelle et la façon de mener sa carrière selon que l’on est un homme ou une femme médecin ?
Interactions avec les patients, équilibre entre travail et vie personnelle, négociation des salaires, confiance en soi dans un rôle de leadership… : nous avons interrogé plus de 1000 médecins français et comparé les réponses des praticiens à celles des praticiennes.
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
Il arrive que les patients s’adressent à leur médecin de façon informelle, voire parfois irrespectueuse : ils le tutoient, l’appelle par son nom ou son prénom au lieu d’utiliser le titre de « docteur ». Ce type de comportement familier est beaucoup plus fréquent lorsque le praticien est une femme (62%) que lorsqu’il est un homme (51%). Ce sont en particulier les praticiennes âgées de 25 à 29 ans qui sont les plus concernées par ce manque de reconnaissance de leur titre professionnel (23%, vs 3% de leurs confrères du même âge).
Plus des deux tiers des praticiennes (68%) sont également confondues avec un professionnel de santé autre que médecin ou moins qualifié, comme une infirmière ou une assistante médicale. En comparaison, le quiproquo s’est déjà produit chez 19% des hommes. De nombreux répondants, aussi bien masculins que féminins, ont constaté ce biais des patients vis-à-vis des femmes médecins, et le décrivent dans leurs commentaires.
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
Les femmes médecins sont plus susceptibles que leurs homologues masculins de se sentir physiquement en insécurité en présence de certains patients. Plus de la moitié des praticiennes ont déjà eu ce sentiment au cours de leur carrière.
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
Si l’insécurité est bien un sujet d’inquiétude pour les praticiennes, c’est surtout l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée qui constitue l’élément le plus important dans les conditions de travail, aussi bien pour les hommes que pour les femmes médecins. Ces dernières attachent cependant plus d’importance que leurs confrères au fait de pouvoir concilier travail et responsabilités en tant que parent (13% vs 4%). Lire les témoignages
Le deuxième aspect le plus important pour les médecins des deux sexes est la qualité des relations qu’ils entretiennent avec leurs collègues et le personnel.
La rémunération arrive en 3e position pour les hommes et en 4e pour les femmes. Ce facteur est en effet cité deux fois plus souvent par les praticiens que par leurs consœurs (14% vs 7%).
La lutte contre les discriminations (âgisme, inégalité de genre) et contre le harcèlement sexuel n’est pas la préoccupation majeure pour les médecins, sans divergence d’avis significative entre les deux sexes.
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
Dans notre échantillon 89% des hommes et 82% des femmes avaient des enfants.
Pour 2 femmes sur 5 (contre 1 homme sur 6), le métier de médecin a eu une influence sur leur décision d’avoir ou non des enfants, ainsi que sur le nombre d'enfants qu’ils ou elles ont choisi d'avoir. Dans leurs commentaires, nombreuses sont les praticiennes qui ont exprimé des regrets sur le fait de ne pas avoir eu plus d’enfants et/ou sur le peu de temps qu’elles ont pu consacrer à leur éducation, notamment en raison des impératifs professionnels comme les gardes.
Si le congé parental concerne bien entendu beaucoup plus les femmes que les hommes, plus d’un quart des praticiens masculins indique avoir pris ou envisage de prendre un congé de paternité, lequel n’est devenu obligatoire que depuis le 1er juillet 2021.
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
Les hommes estiment, plus souvent que leurs consœurs (48% vs 39%), que les horaires et les exigences liés au métier de médecin ont un impact négatif sur le rôle de parent.
Lorsqu’un enfant est malade, c’est pourtant plus souvent les femmes (21%) que les hommes (6%) qui restent à la maison pour s’en occuper.
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
La question posée était : « Dans votre milieu de travail actuel, estimez-vous que le fait d’être un homme / une femme / d’un autre genre a une influence sur votre rémunération ou vos opportunités de carrière ? »
Si globalement la majorité des hommes médecins estiment que leur genre n’a pas d’influence sur leurs revenus et leur carrière, 19% d’entre eux reconnaissent que cela peut favoriser leur ascension professionnelle, et 10% leur rémunération. À l’inverse, 44% des femmes considèrent que leur sexe a une influence négative, voire très négative sur leur carrière, et un quart sur leurs revenus (lire les témoignages).
Lorsqu’on regarde les réponses rapportées à l’âge, les médecins les plus jeunes, appartenant par exemple à la génération des milléniaux*, sont plus à même de considérer l’existence d’un privilège basé sur le genre : 47% des praticiennes de 25 à 39 ans estiment qu’être une femme est un facteur défavorable à l’évolution de leur carrière et 32% rapportent un effet négatif sur leurs revenus. Dans cette même tranche d’âge, les hommes constatent une influence positive de leur sexe, aussi bien au niveau professionnel (24%), que financier (16%).
Les baby-boomers*, hommes et femmes, étaient statistiquement plus nombreux que les autres groupes d’âge à estimer que le genre n’avait pas impact sur leur parcours professionnel (76% des hommes, 61% des femmes).
En France, les femmes médecins perçoivent en moyenne des revenus moindres de 21%, voire 37% selon les spécialités, comparativement à leurs collègues masculins. Selon l’Insee, l’ancienneté et le temps de travail ne permettent pas d’expliquer en totalité l’écart salarial entre les sexes.
*Milléniaux ou génération Y : 25-39 ans ; Génération X : 40-54 ans ; Baby-boomers : 55-73 ans
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
Plus d’un quart des femmes médecins estiment que leur sexe constitue un obstacle au fait d’être invitée à présenter des résultats de recherche dans des congrès médicaux. Pour plus d’une sur 5, cela a aussi une influence négative sur leurs possibilités de publier dans des revues scientifiques.
En France, 38,9% des auteurs de publications scientifiques sont des femmes (données de 2014-2018), une proportion qui se situe au-dessus de la moyenne européenne (38,5%). C’est dans le domaine des sciences de la vie et de la santé que le nombre d’autrices est le plus élevé, atteignant même la parité, contre 22% dans les sciences physiques, domaine où l’effet Matilda* est le plus souvent rapporté.
Malgré des progrès notables, en particulier en médecine, les femmes sont encore proportionnellement moins nombreuses à participer aux congrès dans plusieurs domaines scientifiques ; ce qui a conduit d’ailleurs certaines sociétés savantes à proposer des chartes de parité.
*Effet Matilda : minimisation/récupération au profit des hommes de la contribution des femmes scientifiques à la recherche (publications, brevets, prix Nobel etc.)
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Dans notre sondage, la proportion d’hommes occupant un poste avec un rôle exécutif, tel que chef de service, était un peu plus importante que celle des femmes, mais de façon non significative (26% vs 21%). Les femmes étaient plus nombreuses que les hommes à occuper des postes de manager sans rôle décisionnel (16% vs 13% respectivement), là encore de façon non significative.
Néanmoins, les hommes se sentaient beaucoup plus confiants dans leur rôle de direction ou d’encadrement que les femmes (61% contre 49%). Une femme sur 5 (contre 1 homme sur 8) a exprimé des doutes sur ses capacités. Cet écart entre les hommes et les femmes sur le manque de confiance en soi professionnelle était significativement plus marqué chez les médecins de la génération X (22% des femmes vs 9% des hommes) que dans les autres groupes d’âge.
*Milléniaux ou génération Y : 25-39 ans ; Génération X : 40-54 ans ; Baby-boomers : 55-73 ans
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Dans leur travail actuel, 28% des femmes (contre 20% des hommes) ont l’ambition d’obtenir une promotion ou de monter dans la hiérarchie. Mais lorsqu’il s’agit de négocier une augmentation de salaire, la moitié des femmes (50%) se juge particulièrement malhabile dans cet exercice, contre 29% des hommes.
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
Pour obtenir des conseils professionnels, environ la moitié des médecins, aussi bien hommes que femmes, peuvent compter sur des mentors. Seule différence significative : les médecins femmes font deux fois plus souvent appel à des référents ou mentors de sexe féminin que les hommes (10% vs 5%).
Pour discuter des questions concernant les objectifs de carrière ou la négociation d’une augmentation salariale, les femmes sont significativement plus susceptibles de consulter un proche (amis, famille) que les hommes, alors que ces derniers s’adressent plus souvent que leurs consœurs à un coach professionnel, même si cela reste marginal.
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
Plus de 2 femmes médecins sur 5 (contre 4 hommes sur 50) rapportent avoir été victimes de discriminations en raison de leur sexe sur leur lieu de travail actuel. Cela concerne en majorité les femmes de moins de 45 ans (55%).
La question posée concernait tous types de discriminations. Dans notre enquête précédente portant plus spécifiquement sur le harcèlement sexuel dans le milieu médical en France, une femme médecin sur 6 rapportait avoir été victime d’un collègue au cours des 6 dernières années de leur carrière (contre 2% pour les hommes).
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
La majorité des femmes estiment que leurs collègues masculins ont une attitude plutôt neutre sur l’objectif d’établir une meilleure égalité des sexes sur leur lieu de travail. Seulement un quart d’entre elles constatent que leurs confrères ont une opinion favorable sur le sujet.
À l’inverse, la grande majorité des hommes (61%) pensent que leurs homologues masculins souhaitent améliorer l’égalité des sexes au travail. Pour eux, seulement 3% des hommes y seraient défavorables, alors que selon les femmes, cette proportion « d’anti égalitaires » masculins serait bien plus importante (13%).
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
La majorité des femmes médecins (61%) pensent devoir modifier leur personnalité ou leur comportement pour être prises davantage au sérieux dans leur milieu de travail. Cela concerne 43% des hommes.
Cette différence entre les sexes est encore plus importante et significative chez les praticiens de 40-54 ans (génération X) : 57% des hommes, contre 30% des femmes, n’ont jamais eu à adapter leur comportement.
Chez les plus jeunes (25-39 ans), l’écart entre les sexes n’est pas significatif, et la pression apparaît substantielle pour les 2 sexes : 59% des hommes et 76% des femmes estiment devoir changer, parfois ou souvent, leur personnalité pour être mieux considérés.
Enquête ― Être un homme ou une femme médecin : quelles différences ?
1006 médecins exerçant en France et membres des sites Medscape/Univadis ont participé à un sondage en ligne entre le 20 avril et le 15 août 2021. La moitié était des femmes.
44% des répondants exerçaient en hôpital et 58% étaient salariés. La grand emajorité (78%) exerçaient à temps plein. 85% avaient des enfants, dont 32% avec au moins un enfant habitant à la maison.
*Marge d'erreur à +/- 3,09%, IC de 95%. Données non pondérées, recueillies à partir d'un échantillon aléatoire de membres de Medscape et d’Univadis, qui ne sont pas nécessairement projetables sur une population plus large.
Spécialités
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Spécialités
Dans notre échantillon, 23% des répondants étaient médecins généralistes*. Les autres spécialités les plus représentées étaient l'anesthésiologie (8%), la psychiatrie (7%), la médecine d'urgence (6%) et la pédiatrie (5%).
*Dans ce diaporama, « spécialistes » renvoie à « médecins de toute spécialité sauf médecine générale », pour comparer spécifiquement ce groupe aux médecins généralistes.
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