
Un cheval à l’hôpital de Calais: à la rencontre de « Docteur Peyo »
Accompagné de son dresseur Hassen Bouchakour, l’étalon nommé Peyo, âgé de 15 ans, arrive à l’unité de soins palliatifs du centre hospitalier de Calais. Le duo avait l’habitude de fréquenter les concours de dressage, avant de se donner un nouvel objectif : apporter du réconfort aux patients en fin de vie. Le personnel hospitalier considère l’animal, qu’ils ont baptisé « Docteur Peyo », comme un membre à part entière de l’équipe soignante, explique Hassen.
Un cheval à l’hôpital de Calais: à la rencontre de « Docteur Peyo »
La relation privilégiée que noue le cheval avec les patients et leurs familles apparait évidente au moment où il se met à donner de légers coups de museau à Marion, 24 ans, atteinte d’un cancer métastatique, et à son fils Ethan âgé de 7 ans. « Avec Peyo, nous essayons de créer à nouveau de la vie en fin de vie », affirme Hassen. L’objectif est d’apporter de la sérénité aux patients et une énergie positive aux proches et aux soignants.
Un cheval à l’hôpital de Calais: à la rencontre de « Docteur Peyo »
Scientifiques et médecins étudient les capacités potentielles de Peyo à détecter les cancers, en plus de réduire l’anxiété des patients et le recours à certains médicaments. Des recherches s’appuyant sur l’imagerie cérébrale ont montré que le cheval présente une activité neurologique, qui pourrait s’avérer unique sur certains aspects, par rapport aux autres chevaux.
Son dresseur explique qu’il a eu conscience des aptitudes particulières de son cheval pendant les compétitions équestres. En fin de parcours, Hassen a notamment remarqué que Peyo, qui n’est pas d’un naturel affectueux, cherchait à entrer en contact avec certaines personnes du public. Le dresseur s’est rendu compte que le cheval avait tendance à choisir des individus plus vulnérables émotionnellement, physiquement ou psychologiquement et qu’il engageait des interactions douces avec eux, en adoptant une attitude protectrice.
Cette image prise dans les couloirs de l’unité palliative illustre le comportement intuitif du cheval. En levant sa patte, Peyo indique à Hassen la chambre où il souhaite entrer. Dans ce cas précis, il est resté ensuite deux heures à l’intérieur avec une patiente en fin de vie. « Je l’accompagne, mais je le laisse faire ce qu’il veut », précise Hassen. C’est le cheval qui décide.
Un cheval à l’hôpital de Calais: à la rencontre de « Docteur Peyo »
Hassen prépare Peyo pour une nouvelle journée. Le duo a laissé les compétitions en 2016 pour débuter cette activité auprès des patients de l’hôpital de Calais. Un choix qui n’a pas été si simple pour Hassen. « Je n’ai pas demandé à choisir. Il m’a fallu un peu de temps pour accepter ce changement à la fin d’une carrière réussie de sportif et d’homme de spectacle », confie le dresseur.
« C’était très compliqué pour moi de ne plus être maître de mon animal et d’admettre que je n’ai plus le contrôle sur Peyo lorsqu’il identifie une personne dans le besoin. Quand il décide, je ne peux pas le retenir. Quelque chose de viscéral en lui l’amène à s’attacher à la personne qu’il a choisie. »
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Peyo lèche la main de Roger, âgé de 64 ans, qui vient juste d’arriver pour passer la journée à l’unité de soins palliatifs afin de recevoir une transfusion sanguine. Roger est ravi de revoir son « médecin favori ».
« Ce soir, il va bien dormir parce qu’il a pu voir Peyo », précise sa femme. « Après l’avoir rencontré, il dort comme un bébé. »
Un cheval à l’hôpital de Calais: à la rencontre de « Docteur Peyo »
Peyo et Hassen accompagnent Roger jusqu’au parking de l’hôpital de Calais où l’attend l’ambulance qui le ramènera chez lui. « Docteur Peyo et Hassen ne sont pas des êtres comme les autres, ce sont des anges », estime le fils du patient.
Un cheval à l’hôpital de Calais: à la rencontre de « Docteur Peyo »
Hassen ne laisse rien passer sur le plan sanitaire. Peyo est douché, brossé et désinfecté tous les jours. Au total, il passe ainsi deux heures à préparer l’animal. « Quand je le nettoie avec les serviettes désinfectantes, je le fais pour son bien », souligne Hassen. « Par chance, il adore ça ».
Un cheval à l’hôpital de Calais: à la rencontre de « Docteur Peyo »
Peyo est content de retrouver son ami Daniel, un ancien cavalier de 67 ans atteint d’un cancer en phase terminale. « À la maison, il s’émeut et pleure dès qu’on lui parle de Peyo. Cela lui donne des étoiles dans les yeux », témoigne Gerald, le fils de Daniel.
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La relation de Peyo et de Hassen avec les patients ne s’arrête pas aux portes de l’hôpital. Lorsque Daniel est décédé en janvier, le duo a accompagné le cercueil jusqu’à l’église du village, à la demande de la famille.
Un cheval à l’hôpital de Calais: à la rencontre de « Docteur Peyo »
Hassen et Peyo profitent de leur temps libre sur la plage de Calais, après une dure journée à l’hôpital. « Autrefois, la mort survenait à domicile. Aujourd’hui, c’est si difficile : les gens décèdent souvent en étant isolés et nous percevons la mort comme un événement dramatique », note Hassen. « C’est une expérience unique de s’occuper d’une personne qui fait face à la mort, de rester avec elle, de lui dire : ne vous inquiétez pas, vous pouvez partir en paix, on ne vous oubliera pas. »
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Jérémy Lempin est un photojournaliste basé à Paris. Après dix années au service de l’Armée, pendant lesquelles il a photographié la vie de ses compagnons soldats, il a débuté une carrière de photojournaliste en 2016. Les sujets qu’il photographie sont variés et incluent des médecins, des athlètes professionnels et des pompiers. La série « Docteur Peyo et Hassen » a remporté plusieurs prix en 2021, dont le Istanbul Photo Awards, Pictures of the Year International (POYi) et un prix de la photo World Press.
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