
En images : la maladie de Lyme
Conséquence d’une infection par le spirochète Borrelia burgdoferi, la maladie de Lyme est l'affection transmise par les tiques la plus répandue [1], notamment en France. Selon le rapport 2021 de Santé Publique France, entre 25 000 et 68 530 cas de borréliose de Lyme ont été diagnostiqués chaque année sur la période 2009-2019 en médecine générale.
La maladie est causée par une bactérie du complexe B. burgdorferi sensu lato transmise à l’homme et aux animaux par piqûres de tiques dures infectées du genre Ixodes. Les principales espèces pathogènes de Borrelia en Europe sont B. afzelii, B. garinii et B. burgdorferi sensu stricto. Les nymphes de ces vecteurs sont relativement dures et mesurent moins de 2mm. Elles ressemblent donc à des débris végétaux ou à des particules environnementales, difficiles à distinguer. Les adultes sont de plus grande taille et d’aspect plus induré. Ils sont donc plus faciles à identifier et peuvent être retirés rapidement en cas de piqûre.
Les tiques doivent rester en contact étroit avec la peau pendant 24h à 48h pour pouvoir transmettre la bactérie pathogène. Cette notion doit être prise en compte lorsque l’on aborde la question de la prévention de la maladie de Lyme chez une personne piquée.
En bas à gauche, un mâle I. ricinus attaché à la surface ventrale de la femelle (Image : CDC).
En bas à droite, I. persulcatus (Image : Wikimedia Commons)
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La maladie de Lyme est endémique en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. La répartition des tiques vectrices explique l'incidence de la maladie.
Ixodes ricinus est le principal vecteur en Europe. En France, si la maladie est présente sur tout le territoire métropolitain, il existe d’importantes disparités géographiques. Les tiques dures I. ricinus vivent dans les forêts de feuillus, les sous-bois, les pâturages/prairies ; elles sont peu fréquentes dans les forêts de conifères. Elles peuvent être aussi rencontrées dans les zones boisées péri-urbaines et dans les parcs en ville, ainsi que les jardins privés. Elles sont présentes dans la plupart des régions métropolitaines à l’exception de zones de haute altitude, de zones très sèches ou inondables.
I. scapularis est le principal vecteur dans le nord-est et le centre des É.-U. et au Canada, tandis qu'I. pacificus est plus courante sur la côte Pacifique. Par ex. aux É.-U., par ordre de fréquence pour 100 000 habitants, l'incidence la plus élevée de la maladie de Lyme se trouve dans le Maine, le Vermont, la Pennsylvanie, Rhode Island et le Connecticut [2].
Le vecteur en Asie est la tique de la taïga, I. persulcatus.
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La maladie de Lyme est principalement liée B. burgdorferi sensu lato, qui compte trois géno-espèces : B. burgdorferi sensu stricto, B. garinii et B. afzelii. Chez les patients européens atteints d'érythème migrant, B. afzelii représente 80% des lésions et B. garinii, 15% [3]. En raison des variations génomiques, les différentes géno-espèces sont associées à des présentations cliniques spécifiques. Ainsi, l'infection par B. burgdorferi sensu stricto est caractérisée par un tropisme articulaire. B. afzelii, pour sa part, infecte le plus souvent la peau et peut y persister, occasionnant diverses manifestations cutanées dont l'acrodermatitis chronica atrophicans. B. garinii est neurotrope : il est en cause dans la plupart des cas de méningoradiculite lymphocytaire (syndrome de Bannwarth) ou d'encéphalite.
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Le cycle infectieux de B. burgdorferi et de ses tiques vectrices s'étend sur 2 à 6 ans. Il comprend la colonisation des animaux, l'infection des tiques Ixodes, puis la transmission à un large éventail de mammifères hôtes, dont l'homme, qui est considéré comme un hôte accidentel[4].
De l’œuf nait une larve se transformant en nymphe (mm) puis en adulte (3-4 mm). Les larves se nourrissent d'une variété de petits mammifères sauvages (campagnols, mulots, écureuils, etc.). Au printemps suivant, les larves émergent sous forme de nymphes. Les nymphes se transforment en adultes à l'automne suivant et se nourrissent à partir d’animaux de plus grande taille (cerfs, p. ex.). Les tiques portent B. burgdorferi dans leur intestin moyen, les transférant de l'intestin aux glandes salivaires. La bactérie est ensuite transmise à l'homme par les piqûres.
En 2018, l’Institut Pasteur a publié un travail étudiant chez la souris la transmission des bactéries par les tiques infectées par différentes espèces de Borrelia européennes et nord-américaines. La transmission des bactéries semble très rapide lors de la piqûre, puisque l’infection se produit dans les premières 24h suivant la morsure de la tique adulte, parfois même plus vite pour les nymphes. C’est pour cette raison qu’il est essentiel d’ôter la tique le plus tôt possible après la piqûre afin de prévenir l’infection.
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L’Homme peut être piqué par une tique à tout stade de son développement (larve, nymphe, adulte). Les nymphes semblent être responsables de la plupart des transmissions.
Les symptômes de la borréliose de Lyme dépendent du stade de la maladie. Trois stades sont habituellement distingués : précoce localisé, précoce disséminé, tardif disséminé.
La borréliose de Lyme précoce localisée survient de 3 à 30 jours après la piqûre de tique. Elle est caractérisée par une manifestation cutanée typique, l’érythème migrant. Il s’agit d’une tache érythémateuse, au site de la piqûre de tique, indolore et de croissance annulaire et centrifuge.
Autre manifestation cutanée, l’érythème migrant représente la symptomatologie la plus fréquente (60 à 90% des cas) et la plus évocatrice de la borréliose de Lyme. Il survient 3 à 14 jours après le retrait de la tique [5].
Il convient de souligner que la plupart des piqûres de tiques sont à l’origine d'un érythème en cocarde à l'endroit de la piqûre, érythème qui s'estompe 1 à 3 jours après la piqûre. Il ne s'agit pas là d'un érythème migrant.
Les symptômes non spécifiques peuvent inclure un syndrome pseudo-grippal associant fatigue, myalgie et fièvre. Le traitement dès l'apparition de l'éruption empêche la progression de la maladie.
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La borréliose de Lyme précoce disséminée survient de plusieurs jours à plusieurs semaines après la piqûre de tique et peut se présenter sur le plan symptomatique sous la forme d’érythèmes migrants multiples (taille 3 à 8cm), et de manifestations articulaires (arthrite avec notion d’épanchement d’une grosse articulation comme le genou), neurologiques (neuroborrélioses : méningoradiculite, paralysie faciale, méningite isolée, myélite aiguë), cutanées (lymphocytome borrélien), cardiaques ou ophtalmologiques [6]. La réponse inflammatoire dermatologique à B. burgdorferi est probablement à l’origine des lésions multiples de l'érythème migrant : la plupart des patients présentant des lésions multiples ont en effet en commun leur séropositivité, et ce, quelle que soit la durée de la maladie. Il a été démontré que les anticorps dirigés contre ce spirochète sont à l’origine de réactions croisées avec les tissus neuraux et conjonctifs. Ce mimétisme moléculaire génère vraisemblablement une réaction inflammatoire auto-immune, clef de la probable physiopathologie qui sous-tend les manifestations tardives de la maladie.
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La borréliose de Lyme tardive disséminée survient plusieurs mois voire années après la piqure et est caractérisée par des manifestations articulaires, cutanées (acrodermatite chronique atrophiante) ou neurologiques spécifiques rares (encéphalomyélite).
Les manifestations cliniques aux stades disséminés précoce et tardif n’apparaissent qu’en l’absence de traitement antibiotique, notamment lorsque la borréliose de Lyme précoce localisée est passée inaperçue.
Le syndrome "post-Lyme" est l’association d’une asthénie, d’algies diffuses et de plaintes cognitives (troubles de la mémoire et de l’attention) allégué au décours d’une infection préalable à B. burgdorferi documentée sur le plan biologique et correctement traitée, alors que le SPPT (Symptomatologie /Syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique) l’est sur simple suspicion d’antécédent de piqûre de tique. Pour Santé Publique France, aucune étude scientifique ne permet actuellement de démontrer le lien entre ces symptômes et une infection active à Borrelia.
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Le diagnostic de la borréliose de Lyme est fondé sur l’observation de signes cliniques objectifs évocateurs, les éléments d’anamnèse (antécédents de piqûre de tique ou d’exposition à un risque de piqûre, et lors des manifestations disséminées précoces ou tardives, un test sérologique (qui recherche des anticorps spécifiques contre B. burgdorferi sensu lato).
La sérologie n’est pas recommandée selon Santé Publique France au stade de l’érythème migrant (forme la plus fréquente) précoce en raison de nombreux faux négatifs à ce stade. Le diagnostic est alors strictement clinique.
Plus tard dans l’évolution, en raison de la faible spécificité de la majorité des manifestations cliniques de la borréliose de Lyme disséminée, un test biologique est nécessaire pour confirmer le diagnostic à ce stade de la maladie.
Les tests biologiques reposent essentiellement sur des techniques indirectes (sérologie : recherche d’anticorps spécifiques). Les techniques de recherche directe (essentiellement la recherche de l’ADN de Borrelia par PCR ou la culture) sont réservées à des laboratoires spécialisés utilisant des méthodes et tests validés.
Le test sérologique est fondé sur une approche en deux étapes, un test de dépistage (ELISA, IFI) systématiquement suivi d’un test de confirmation par immuno-empreinte (Western-Blot ou immuno-blot) lorsque le résultat du test de dépistage est positif ou douteux.
La sérologie n’a pas d’indication dans les situations suivantes selon Santé Publique France : le dépistage systématique des sujets exposés, une piqûre de tique sans manifestation clinique, l’érythème migrant typique et le suivi sérologique des patients traités.
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En 2018, la HAS a proposé un bilan étiologique pour les patients atteints de symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique (SPPT), définie par une piqûre de tique possible et la triade clinique associant plusieurs fois par semaine, depuis plus de 6 mois : un syndrome polyalgique (douleurs musculo-squelettiques et/ou d’allure neuropathique et/ou céphalées), une fatigue persistante avec réduction des capacités physiques, et des plaintes cognitives (troubles de la concentration et/ou de l’attention, troubles mnésiques, lenteur d’idéation) ; et ce avec ou sans antécédent d’érythème migrant. Cette triade peut être associée à des signes fonctionnels polyorganiques.
Le bilan devra être orienté selon les symptômes, les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique ainsi que les examens déjà réalisés, afin de ne pas répéter inutilement des explorations retardant la prise en charge du patient.
Le bilan étiologique infectieux devant un SPPT sera guidé selon l’interrogatoire minutieux et l’examen clinique complet. En premier recours en ville, il convient d’éliminer un diagnostic de maladie inflammatoire chronique par la réalisation d’un bilan biologique de base (NFS, bilan hépatique, CRP, ionogramme sanguin, créatinine, glycémie à jeun, CPK, ferritine, TSH, bandelettes urinaires). Il est aussi essentiel d’éliminer une autre maladie infectieuse : sérologies VIH, syphilis, HVC, HVB, EBV, CMV.
Le bilan en 2e recours est réalisé en centre spécialisé. Il convient d’évoquer d’autres diagnostics : babésiose, fièvre Q, bartonellose, brucellose, rickettsiose, ehrlichiose, infection par Parvovirus B19 et maladie de Whipple. Devant des signes cliniques subjectifs chez un patient ayant un antécédent de borréliose de Lyme traitée selon les présentes recommandations, il convient d’éliminer une réinfection à B. burgdorferi sensu lato (exposition, clinique, sérologie, PCR si utile), de rechercher des séquelles de borréliose de Lyme, et de rechercher d’autres infections transmises par les tiques.
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En 2018, la HAS a publié des recommandations sur le traitement des borrélioses et de la maladie de Lyme.
En cas d’érythème migrant isolé sans autre signe clinique, l’antibiothérapie est indispensable et doit être débutée rapidement. Le traitement recommandé est la doxycycline ou l’amoxicilline pendant 14 jours en 1ère intention et l’azithromycine pendant 7 jours en cas d’allergie aux traitements de 1ère ligne. Avant et après traitement, il est recommandé de demander au patient de prendre en photo l’érythème migrant aux différentes phases d’évolution. En général, la réponse au traitement est excellente, avec une disparition rapide et complète de l’érythème migrant entre 1 semaine et 1 mois après le début de l’antibiothérapie.
Chez l’enfant de moins de 8 ans, l’amoxicilline est recommandée (50 mg/kg/j en 3 prises toutes les 8h sans dépasser 4 g/j) pendant 14 jours et chez les plus de 8 ans, amoxicilline et doxycycline (4 mg/kg/j en 2 prises (max. 100 mg/prise) peuvent être utilisés sur une durée de 14 jours.
En 2e ligne, l’azythromycine trouve une place (20 mg/kg/j en une prise sans dépasser 500 mg/prise) sur une durée de 7 jours.
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Au stade d’érythème migrant multiple, le traitement doit être débuté en cas de suspicion clinique forte (notion de piqûre de tique quelques jours à semaines avant, identifiée par le patient) sans réaliser de sérologie sanguine. Le traitement de 1ère intention recommandé en l'absence d'atteinte extra-cutanée (notamment neurologique ou cardiaque, qui impacterait la prise en charge) est la doxycycline (200 mg/j en 1 ou 2 prises) ou l’amoxicilline (1 à 2 g 3 fois/j) pour une durée de 21 jours. Chez l’enfant de moins de 8 ans et la femme enceinte le traitement de 1ère intention recommandé est l’amoxicilline (1 à 2 g 3 fois/j chez l’adulte ; 50 à 100 mg/kg/j en 3 prises chez l’enfant) pour une durée de 21 jours. En 2e intention, l’azithromycine est recommandée pendant 10 jours : 1000 mg le premier jour puis 500 mg/j chez l’adulte et la femme enceinte à partir du 2e trimestre de grossesse, en une prise ; 20 mg/kg/j sans dépasser 500 mg/j chez l’enfant, en 1 prise.
En cas d’atteinte neurologique précoce de borréliose de Lyme, les corticoïdes ne sont pas indiqués dans les paralysies faciales isolées à B. burgdorferi sensu lato. Chez l’adulte et l’enfant de plus 8 ans (en présence ou absence de réaction méningée), le traitement recommandé en cas d’atteinte neurologique précoce est la ceftriaxone (2 g/j par voie parentérale chez l’adulte ; 100 mg/kg/j chez l’enfant sans dépasser 2 g/j) ou la doxycycline per os (200 mg/j chez l’adulte ; 4 mg/kg par jour chez l’enfant sans dépasser 200mg/j), pendant 21 jours.
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Pour la HAS, le retrait d’une tique doit être réalisé le plus rapidement possible. Il est recommandé de retirer la tique mécaniquement avec un tire-tique, par rotation-traction de façon perpendiculaire à la peau, en évitant d’arracher la tête de la tique. Ce tire-tique, commercialisé en particulier en pharmacie, existe en petite taille pour les nymphes et en grande taille pour les adultes. Il faut désinfecter le site de piqûre après le retrait (et non pas avant car il existe un risque théorique de régurgitation de la tique).
Il est recommandé d’informer le patient et son entourage des signes à surveiller.
En plus d’une évolution du point de piqûre (érythème migrant dans la borréliose de Lyme, tache noire dans d’autres territoires, etc.), les signes cliniques à surveiller dans les semaines qui suivent une piqûre de tique sont notamment :
- signes généraux : douleurs, fièvre, fatigue inexpliquée
- signes focaux : atteinte dermatologique (érythème migrant ailleurs qu’au site de piqûre), articulaire, neurologique, etc.
Il est important de rechercher une exposition aux tiques en présence de ces symptômes.
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